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seulement tous les membres de la famille de Ménilmontant, mais encore quelques-uns de ceux qui, en dehors de cette étroite communauté, professaient les doctrines saint-simoniennes. Le jour étant venu, les disciples de Saint-Simon se rangèrent dans un ordre symétrique, M. Michel Chevalier fit sonner le départ, et la petite colonie se mit en marche.

La grandeur des questions qui allaient être débattues et le talent des accusés donnaient à la lutte judiciaire qui se préparait plus d’importance que n’en ont la plupart des combats diplomatiques ou parlementaires. Mais ce n’était pas à cause de cela que la curiosité publique était vivement excitée : ce que les Parisiens recherchaient, du spectacle promis à leur impatience, c’était moins sa signification véritable que sa singularité : on s’attendait à une mise en scène divertissante et neuve. Aussi la foule se pressait-elle sur le passage des saint-simoniens.

Lorsqu’ils entrèrent dans la salle, tous les yeux se fixèrent sur Enfantin. Il portait un habit semblable à ceux de la famille, mais d’une couleur plus claire, et ces mots : LE PÈRE, étaient écrits sur sa poitrine. Deux femmes, Mmmes Aglaé Saint-Hilaire et Cécile Fournel étaient derrière lui. Debout, à l’extrémité supérieure du banc des prévenus, il promenait lentement ses regards sur l’assemblée, et les assistants remarquaient avec surprise la vénération profonde dont ses enfants l’entouraient. Les interrogatoires firent d’abord connaître au public la jeunesse des accusés. M. Barrault avait trente-trois ans, M. Duveyrier vingt-neuf, M. Michel Chevalier vingt-six ; le Père lui-même n’était âgé que de trente-six ans.