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eut, dans cette soirée, des preuves singulières. Huit insurgés revenant de la place Maubert se présentent, au déclin du jour, à un des ponts de la cité qu’occupe tout un bataillon de garde nationale. Ils réclament avec autorité le droit d’aller rejoindre leurs amis, combattants de l’autre rive, et comme on hésite à leur livrer passage, ils s’avancent résolument sur le pont la baïonnette en avant. Les gardes nationaux se rangèrent pour laisser passer ces huit hommes, admirant et déplorant leur folie héroïque. Voilà ce qu’étaient les insurgés, et l’on peut juger par ce trait de la puissance qu’ils tiraient de leur bravoure.

Aussi le gouvernement était-il dans un cruel état d’inquiétude. Pour rendre un peu de confiance aux soldats, sur lesquels on n’osait compter, on avait résolu de confondre leur action avec celle de la milice bourgeoise, et l’on avait concentré aux mains du maréchal Lobau, commandant en chef de la garde nationale, la direction de toutes les forces militaires de la capitale. Une réunion de généraux et de ministres eut lieu à l’état-major. Le maréchal Soult y parut, laissant voir sur son visage les traces d’une préoccupation étrange. Que décider ? Recommencerait-on cette guerre de ruelles et de carrefours qui avait été si fatale en 1830 au duc de Raguse et à la monarchie ? Un des assistants fut d’avis que le meilleur parti à prendre était de donner aux troupes l’ordre de la retraite ; on les aurait rassemblées en masse au champ de Mars, sauf à rentrer, plus tard, dans Paris l’épée à la main. Mais cette opinion fut très-énergiquement réfutée par le préfet