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Le drapeau rouge avait produit son effet : celui qui le portait disparut, et, dès ce moment, les républicains durent renoncer à l’espoir d’entraîner sur leurs pas le gros de la bourgeoisie.

Tandis que ces choses se passaient près du pont d’Austerlitz, et à l’extrémité de la rue Contrescarpe qui longe le canal Saint-Martin, des scènes non moins vives avaient lieu sur le boulevard Bourdon, situé de l’autre côté de ce canal ; et pendant que les rues voisines du Grenier d’abondance se remplissaient d’hommes audacieux, incertains s’il valait mieux hâter l’heure du combat, ou l’attendre, une colonne de dragons, sortie de la caserne des Célestins, débouchait sur le quai Morland, et se dirigeait vers le pont d’Austerlitz. Il importe de remarquer que ce fut sur un avis du préfet de police, M. Gisquet, et non sur l’ordre du général Pajol, commandant la première division militaire, que ce mouvement s’exécuta. Du reste, les dragons ne semblaient animés d’aucun sentiment hostile ; ils avaient leurs pistolets dans les fontes, et leurs fusils au porte-crosse. Ils s’avancèrent rapidement et s’arrêtèrent à deux cents pas du pont. Une multitude frémissante leur faisait face ; sur leur flanc gauche régnaient des palissades ; à leur droite s’élevait, sur la Seine, 1'île Louviers. Le tumulte, d’ailleurs, était au comble. Une voiture se présenta, traînée par des jeunes gens qui, après y avoir fait monter M. de Lafayette, le conduisaient en triomphe à l’Hôtel-de-Ville. L’escadron ouvrit ses rangs, pour livrer passage au général, et un instant après, plusieurs coups de fusil retentirent. En vain le commandant des