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fut donc condamné à fouler aux pieds des forces qu’il était incapable de discipliner et de conduire. C’est ce qu’il essaya, aux applaudissements de la bourgeoisie, et certes, nul n’était plus propre que lui à cette œuvre de haine. Lutter convenait à son tempérament et le dispensait d’avoir des idées. Du reste, sa politique, qui avait eu pour point de départ l’égoïsme, avait fini par devenir sincère en devenant fanatique, et il mit à la défendre une ardeur qui revêtit quelquefois les apparences de l’héroïsme. Mais l’adoucissement des mœurs refusait une arme à sa violence : l’échafaud lui manquait. Casimir Périer se fit beaucoup haïr et fort peu redouter ; au lieu de gouverner le royaume, il le troubla ; il créa bien plus d’obstacles qu’il ne parvint à en surmonter ; et son énergie, désarmée, ne servit qu’à irriter ses ennemis jusqu’au délire. Après avoir de la sorte enfanté le mal, Casimir Périer ne sut lui opposer que des remèdes d’empirique, et il jeta la société dans un état de surexcitation d’où elle ne devait sortir que pour tomber, de secousse en secousse, dans l’épuisement et la léthargie. Aussi Casimir Périer mourut-il désespéré du néant de ses victoires misérables, l’âme bourrelée d’inquiétudes, l’esprit tout plein du souvenir de deux villes ensanglantées, convaincu enfin que son ministère allait être continué par le chaos, et laissant en effet pour héritage à son pays deux guerres civiles.