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semées dans différents quartiers ; des mains inconnues glissèrent pendant la nuit sous les portes cochères des morceaux de viande ; on parlait de gâteaux empoisonnés donnés, sur divers points, à de petites filles. Comment tout cela n’aurait-il pas agi sur l’imagination du peuple, surtout après la publication d’une circulaire où une conspiration d’empoisonneurs était officiellement dénoncée par la police ?

Car une sorte de vertige semblait s’être emparé de tous les esprits. Douze mille francs, offerts aux cholériques par M. de Chateaubriand, au nom de la duchesse de Berri, furent refusés durement par le préfet de la Seine ; calcul aussi injuste que mesquin espèce de coup-d’état contre la charité ! Jamais plus de fiel n’était entré dans les récriminations réciproques des partis ; jamais les passions politiques n’avaient paru plus prêtes pour le combat. Ici, des jeunes gens étaient impitoyablement chargés sur la place Vendôme, pour avoir couronné d’immortelles les aigles impériales ; là, une bande courait attaquer Sainte-Pélagie, et les prisonniers se soulevaient, pendant que, de leur côté, les agents de la force publique pénétraient dans la prison, faisaient feu, et renversaient mort un infortuné détenu, nommé Jacobéus. Puis, souvent, avec une animosité égale, avec une égale injustice, les partis se renvoyaient mutuellement la responsabilité de tous les maux. Après avoir accusé les « éternels ennemis de l’ordre » – injure officielle, -d’empoisonner le peuple pour se ménager le moyen de calomnier le gouvernement, la police