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haute paie. » On imagina de faire transporter les cadavres par les fourgons d’artillerie ; mais ce bruit de chaînes dans les ténèbres agitait douloureusement le sommeil de la cité ; d’ailleurs, les secousses imprimées à ces voitures non suspendues déclouaient les planches des cercueils, et les corps s’en échappaient, maculant le pavé de leurs entrailles découvertes. Il fallut consacrer à la collecte des trépassés de vastes tapissières qu’on peignit de la couleur du deuil. Elles roulaient de porte en porte pour réclamer les morts que chaque maison avait à leur livrer, puis elles se remettaient en route, laissant apercevoir sous leurs draperies funèbres, que le vent soulevait, des bières entassées, et tellement lourdes, mal assurées, que le passant tremblait de les voir se rompre, et répandre sur la voie publique leur chargement sépulcral. Mais c’était la nuit, surtout, qui était sinistre ; car les plus nombreux ravages de la maladie avaient lieu ordinairement de minuit à deux heures. Les débris de feux allumés, dans le douteux espoir de purifier l’atmosphère, les lanternes brûlant à la porte des bureaux de secours, ces courses inquiètes à travers l’obscurité pour des motifs trop connus, les cris étouffés qui, partant du fond des maisons, montaient dans le silence des rues solitaires, tout cela était d’un effet terrible.

Pour fournir temporairement des voitures aux médecins et aux élèves, appelés au nom des malades, la préfecture de police eut à dépenser, en moins d’un mois, la somme de 19,915 fr. Les procès politiques suivant leur cours, plus d’une fois le personnel des audiences fut changé du jour au len-