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prononcèrent contre elle, à l’aspect des étendards flottants et au bruit des bataillons en marche.

Dans son ordre du jour à l’armée, le maréchal Soult avait dit « Sa majesté n’a point approuvé que le 35e fut retiré de Grenoble. » Le lieutenant-général Delort, chargé du commandement supérieur de la 7e division, se fit précéder à Grenoble par une proclamation menaçante ; et dans cette ville de 24,000 âmes, qu’occupaient 8,000 hommes de toutes armes, le 35e rentra, tambour battant, musique en tête, canons au centre et mèche allumée. Pleins d’une douleur contenue, mais exempte de crainte, les habitants assistaient à cette entrée sinistre et triomphale. Quelques-uns souriaient de pitié à la vue de cet appareil militaire. Un citoyen s’approcha d’un des canonniers qui portait la mèche, et lui dit en tendant son cigarre : « Un peu de feu, camarade, s’il vous plaît. »

Quelques jours après, un événement qui empruntait des circonstances une imposante solennité tenait la ville de Grenoble attentive. Il avait été convenu qu’un combat singulier aurait lieu entre un jeune homme de la ville, nommé Gauthier, et un officier du 35e. A l’heure du duel, toute la population se porta sur le lieu de la rencontre. Un détachement de dragons avait été commandé pour tenir la multitude à distance. D’autres cavaliers et des trompettes furent échelonnés de façon à protéger le champ clos où allait se prononcer, comme au moyen-âge, le jugement de Dieu. Les deux adversaires entrèrent en lice. Rien ne saurait peindre l’émotion, l’anxiété des spectateurs. Car ce n’était