Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trône doit confondre ses biens personnels avec le domaine de l’État. C’était un usage respectable que celui-là et d’un sens profond ; car il semblait élever le roi à la dignité de père du peuple. Mais Louis-Philippe n’en avait pas jugé ainsi, et la veille de son avènement, le 6 août 1830, il avait eu soin de disposer de ses biens personnels en faveur de sa famille.

Le résumé des prétentions de la cour était donc celui-ci : une liste civile de 18 millions, 4 millions de revenu en terres et en forêts ; onze palais magnifiques, un mobilier somptueux, 2 millions 594,912 francs d’apanage, et le domaine privé.

Telles furent les bases proposées. La commission les adopta en réduisant à 12 ou à 14 millions le chiffre de la liste civile, et M. de Schonen présenta le rapport à la chambre.

La stupeur fut grande dans le public. La théorie des libéraux constitutionnels sur les gouvernements à bon marché recevait un démenti brutal et inattendu. La polémique devint enflammée. On avait sous les yeux le compte détaillé des dépenses royales : l’esprit français en fit le sujet de mille commentaires, les uns plaisants, les autres injurieux. Ici, l’on faisait remarquer que l’entretien de la chapelle allait coûter dix fois plus que sous Charles X, quoique Louis-Philippe en usât dix fois moins. Là, on s’étonnait que 80,000 fr. de remèdes par an fussent jugés nécessaires à un roi dont la santé, grâce au ciel, était excellente ; Louis XVIII, goutteux et cassé, se soignait à moins. 4 millions 268,000 fr. paraissaient une somme quelque peu exagérée, dès qu’on