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péré, on le vit tout à coup, après une nuit entière passée dans ce duel terrible, tomber comme s’il eût été atteint mortellement. Et pendant qu’on s’empressait autour de lui, Enfantin disait avec une émotion contenue : « Non, il n’est pas possible qu’il meure ainsi il lui reste encore de trop grandes choses à accomplir. » On releva Bazard sans connaissance, et l’un parvint à le rappeler à la vie. Mais les sources de la joie étaient taries en lui pour jamais. Il ne fit plus, depuis, que languir, et, à quelque temps de la, il mourut.

Immédiatement après la déclamation du schisme, le 19 novembre 1831, il y eut une réunion générale de la famille. Enfantin y parut en qualité de père suprême. Mais dans l’assemblée s’étaient rendus plusieurs saint-simoniens qui, sans se rallier à la bannière de Bazard, étaient bien résolus à abandonner celle d’Enfantin, et parmi lesquels on comptait MM. Pierre Leroux, Jean Reynaud, Charton, Jules Lechevallier, Carnot, Fournel, Abel Transon. Enfantin prit la parole et, après avoir dit les causes de la sourde mésintelligence qui existait depuis long-temps entre Bazard et lui, il exposa ses idées sur la réhabilitation de la chair, sur le divorce considéré comme aspiration à un amour plus noble, sur les fonctions réservées au prêtre saint-simonien, soit homme, soit femme, sur la nécessité enfin de rendre la femme l’égale de l’homme dans l’État aussi bien que dans la famille, et dans le temple aussi bien que dans l’État. « Toutefois, ajoutait-il, « ce n’est point une loi que je vous donne, une doctrine, un enseignement à faire ; c’est seule-