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précisément, désirer le contraire. Le développement du travail entraînait donc la baisse continue de l’intérêt, des loyers, des fermages. Cela posé, les saint-simoniens se demandaient ce que feraient les propriétaires quand la baisse serait devenue telle, qu’il ne leur serait plus loisible de vivre uniquement de l’intérêt, du loyer, des fermages ? Force leur serait de travailler. Mais le propriétaire-travailleur venant à mourir, le fils pourrait bien n’avoir ni les mêmes goûts, ni la même aptitude que le père. L’artiste, par exemple, fils d’un propriétaire-cultivateur, et mis dans l’impossibilité de vivre de la rente des terres patrimoniales, l’artiste se trouverait dans l’alternative ou de se ruiner en cultivant mal et à contre-cœur ses domaines, ou de les vendre pour se livrer à la profession la plus conforme à sa capacité. Et des phénomènes sociaux du même genre se produisant dans toute l’étendue de la société, n’était-il pas évident qu’il y aurait lieu à une liquidation générale, que l’État seul serait en mesure de régulariser, et dont les propriétaires eux-mêmes seraient intéressés à lui confier le soin ?

On voit avec quelle franchise les saint-simoniens abordaient les problèmes les plus délicats. Et à ceux qui, dans cette question particulière de la propriété, leur reprochaient de détruire avec le droit d’héritage le stimulant qui résulte, pour le père, de l’espoir d’enrichir son fils, à ceux-là ils répondaient que ce stimulant n’avait point existé pour la plupart des travailleurs dont s’honorait l’humanité ; qu’il n’avait existé ni pour les papes, ni pour les moines, ni pour une foule d’hommes intelligents