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n’avait pas encore succombé un aliment à son enthousiasme ou des inspirations pour son génie. La noblesse détruite, la monarchie abaissée, la religion flétrie, la liberté perdue, ne laissaient que désenchantement dans son existence de chevalier, de gentilhomme et de poète. Des spectacles éclatants, des affections illustres, ou, du moins, des inimitiés qui élèvent, voilà ce qu’il aurait fallu à ce cœur tourmenté ; et tout cela lui manquait. De tant de scène terribles ou héroïques auxquelles ou avait traîné, devant lui, le monde saisi d’étonnement et d’épouvante, que restait-il ? quelques souvenirs insultés. Il est des époques où l’orgueil des hommes forts trouve à se satisfaire au sein même de la souffrance, où l’on éprouve une sorte de joie frémissante à courir après le danger, où l’on peut enfin se consoler de la douleur par la haine. Pour M. de Chateaubriand, ces époques avaient été la Révolution et l’Empire. Mais, depuis, le siècle était devenu étroit et grossier ; de froides combinaisons y succédaient aux élans généreux ; les graves soucis du commandement s’y perdaient en un stérile tracas d’affaire ; les sympathies y étaient soumises au calcul, les répugnances condamnées à la fourberie ; et tout se trouvait à tel point rapetissé, qu’il n’y avait même plus moyen d’éprouver de ces haines dont on s’honore. Après la victoire remportée en juillet sur la monarchie et sur la noblesse, quel rôle pouvait être réservé à M. de Chateaubriand ? Celui d’homme de parti ? Il y était impropre, appartenant à cette classe de natures délicates, que rebutent les minces détails, qu’une activité banale