Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nobles. Des brigands n’allaient-ils pas se répandre dans les campagnes, piller les châteaux ? Il ordonna donc qu’on prît des mesures pour la protection de ses domaines, et, pendant les premiers jours qui suivirent la révolution, ses chevaux restèrent tout sellés et prêts pour la fuite.

Ces appréhensions durèrent peu. Le calme, partout rétabli, ne tarda pas à rassurer le duc de Bourbon, et la nouvelle de l’embarquement des exilés vint dissiper ses dernières alarmes. Mais sa mélancolie survivait aux causes qui l’avaient d’abord expliquée. Ses serviteurs le remarquèrent ; quelques-uns crurent s’apercevoir que les rapports du prince avec madame de Feuchères étaient singulièrement altérés. En effet, le nom de cette femme, prononcé devant lui, parut quelquefois lui causer un sentiment pénible. Sa tendresse pour elle, quoique toujours prévoyante et prodigue, était empreinte d’une sorte de terreur. On observa que, contrairement à une ancienne habitude, il ne s’astreignait plus à rompre en présence de la baronne le cachet des lettres qu’il recevait. Enfin, il s’ouvrit à M. de Choulot, son capitaine des chasses, et a Manoury, son valet de chambre de confiance, de son projet d entreprendre un lointain voyage, projet qui concordait avec la demande faite par le prince à M. le baron de Surval, son intendant, d’un million en billets de banque. Quant aux motifs de cette résolution, le duc de Bourbon n’en fit à personne la confidence, mais il recommanda le secret sur le voyage lui-même, et, surtout, qu’on se cachât soigneusement de madame de Feuchères.