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yen, sans danger pour les libertés publiques. Mais il était singulier qu’on ne se fut aperçu des inconvénients de son pouvoir que le lendemain du jour où il venait d’en faire, à ses risques et périls, un usage aussi profitable aux chambres, au ministère, à la royauté. Il y avait dans ce rapprochement quelque chose de bizarre à la fois et d’odieux. Pourquoi, d’ailleurs, pendant tout le cours du procès des ministres, avait-on laissé croire à Lafayette que son commandement ne finirait qu’avec sa vie ? Pourquoi avait-on mis tant de soin à résoudre la question de cette sorte, et dans la première commission nommée pour l’examen du projet de loi sur la garde nationale, et dans le conseil du roi auquel fut porté le projet que cette commission venait d’élaborer ? On avait donc trompé le vieux général ! On n’avait donc si long-temps caressé son amour-propre, que pour le compromettre au service d’une politique qui n’était pas la sienne, sauf à le destituer après l’avoir compromis ! Voilà ce que pensèrent, ce que dirent à haute voix tous les amis de M. de Lafayette, et ce qu’on répéta bientôt partout dans le public.

M. de Lafayette était absent de la chambre au moment du vote dont il avait été l’objet. Pour le frapper, on ne l’avait ni averti, ni attendu. Quand il apprit la résolution de se$ collègues, il se sentit blessé jusqu’au fond du cœur, et, comme la destitution qui l’atteignait n’était pas directe et littérale, il envoya sûr le champ au roi sa démission. Gentilhomme même dans son dépit, il n’eût garde de laisser percer dans sa lettre au monarque la profondeur de ses ressentiments. Peut-être aussi était-il bien aise