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parmi les généraux trop fidèles à la cause du grand-duc, Zymirski dont le sang, versé plus tard sur le champ de bataille, devait expier la faute, et Krasinski, l’un des plus orgueilleux suppôts de la tyrannie russe. Lorsque ce dernier parut sur la place de la Banque, une clameur menaçante retentit, et mille bras, prêts à frapper, se levèrent sur sa tête. Lui, tombant à genoux, il demandait grâce. Chlopicki accourut et le sauva.

Il ne restait plus à Constantin d’autre parti à prendre que celui d’une prompte fuite. Il donna l’ordre de la retraite. Ses soldats, saisis de stupeur et d’effroi, marchaient en silence, tournant de temps en temps les yeux vers cette voluptueuse cité de Varsovie où plusieurs d’entr’eux laissaient, pour ne plus les revoir peut-être, leurs femmes et leurs enfants.

La fièvre héroïque qui, pendant les premiers jours, anima la capitale de la Pologne, n’a rien d’analogue dans l’histoire. En Lithuanie ! avait-on dit. Et le peuple, avec son admirable instinct, le peuple répétait, En Lithuanie Un club patriotique, que présidait Bronikowski, entretenait par des discours véhéments l’ardeur révolutionnaire. Les plus hardis, et par cela même les plus intelligents, disaient que la révolution ne pouvait être sauvée qu’à force de vigueur ; qu’il fallait attaquer pour n’avoir pas à se défendre que Chlopicki en laissant échapper le grand-duc, s’était placé sur la pente des trahisons ; que, pour faire trembler la Russie, dénuée de ressources financières, affaiblie par ses dernières guerres contre les Turcs, et ravagée par la peste, il suffisait de lui ôter le temps