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habile en ce sens, d’une manière absolue. Ecarté des affaires sous la République, disgracié sous l’Empire, exilé presque de la cour sous la Restauration, il ne sut se maintenir sous aucun des régimes dont son improbité banale avait favorisé le triomphe.

Quant à l’autre habileté, celle qui consiste à exécuter de vastes desseins avec de faibles ressources, M. de Talleyrand ne la posséda jamais. Et les diplomates étrangers n’en pouvaient douter, eux qui, à Vienne, avaient été témoins de son incapacité. Car tandis que, dans le congrès, M. de Nesselrode assurait, par l’inféodation de la Pologne à la Russie, l’influence de son maître sur le Midi ; tandis que M. de Bardemberg arrondissait la Prusse en Allemagne ; tandis que M. de Metternich agrandissait l’Autriche en Italie ; tandis que les lords Castlereagh, Cathcart et Stewart environnaient la France de barrières propres à étouner l’essor de son génie ; M. de Talleyrand ne songeait qu’à chasser Murat du trône de Naples. Aussi, quoique les rivalités des puissances offrissent des complications dont il était aisé de tirer profit M. de Talleyrand n’avait su rien obtenir, rien empêcher. Le roi de Saxe avait été dépouillé à cause de son amour pour les Français ; le Danemarck avait été châtié de sa loyauté aussi noble que constante ; en un mot, les bases de ces traités, si funestes à la France, avaient été arrêtées à Vienne telles qu’on les avait précédemment posées à Paris. Parmi les souverains étrangers, l’empereur Alexandre était le seul qui se fut montré disposé à la modération dans la victoire : M. de Talleyrand sut faire du Czar un des plus dangereux ennemis de la France.