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dis-je ! sont-elles libres de devenir d’honnêtes mères de famille, ces pécheresses que le tragique ouvrage de Parent-Duchâtelet nous montre irrésistiblement poussées dans les impasses de la prostitution par l’excès de la misère ? Qui ne voit que, le régime actuel donnant presque tout au hasard d’une naissance heureuse, c’est ce hasard, et non la loi naturelle des vocations, qui décide presque toujours du choix des carrières ? On cite et l’on compte ceux qui, par un surcroît d’énergie, ou de circonstances particulières, sont parvenus à dompter les obstacles dont le berceau du pauvre est entouré. Le pauvre libre ! Eh ! nous ne laissons pas même à sa liberté la borne de nos rues et la pierre de nos chemins ; car nous punissons comme mendiant celui qui tend la main, faute d’emploi, et comme vagabond celui qui s’endort sur les marches d’un palais, faute d’asile. Non, le pauvre ne jouit pas de cette liberté sans laquelle il ne vaut pas la peine de vivre ; — et c’est tout au plus si, à son tour, le riche est appelé à en jouir, asservi qu’il est aux préjugés qui le rendent esclave de lui-même. Louis XVI, qui eût été digne et heureux serrurier, a dû au hasard de sa naissance de mourir sur un échafaud ; et tel qui mourra sur un grabat, après avoir vécu dans une mansarde, avait en lui les germes d’une intelligence à gouverner un empire. En veut-on la preuve ? Elle est fournie par toutes les révolutions, qui, agitant la société de manière à en déchirer la surface, ont si souvent tiré de ses profondeurs de quoi étonner les hommes. Nul observateur impartial qui ne soit obligé de reconnaître, dans le principe qui sert de base à la société actuelle, la négation même de la grande maxime, récemment proclamée en Angleterre avec tant d’éclat : The right man in the right place. Il y a là un mal impossible à nier et qui a sa racine dans la possession, transformée en privilège, de tous les moyens d’éducation et de subsistance, de tous les instruments de travail : état de choses qui fait qu’un grand nombre d’hommes trouvent, dès leur premier pas dans la vie, un obstacle invincible au développement de leurs facultés naturelles et à l’emploi de leurs véritables aptitudes.

Aussi, à qui les encouragerait au travail par l’espoir d’en recueillir les fruits, combien pourraient leur répondre :