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crement ne se trouvait pas véritable. Ni Comitolus aussi, quand il dit, Resp. Mor. l. I, q. 32, n. 7, 8 : Qu’il n’est pas trop sûr que l’attrition suffise avec le sacrement.

Le bon Père m’arrêta là-dessus. Eh quoi, dit-il, vous lisez donc nos auteurs ? Vous faites bien ; mais vous feriez encore mieux de ne les lire qu’avec quelqu’un de nous. Ne voyez-vous pas que, pour les avoir lus tout seul, vous en avez conclu que ces passages font tort à ceux qui soutiennent maintenant notre doctrine de l’attrition ; au lieu qu’on vous aurait montré qu’il n’y a rien qui les relève davantage ? Car quelle gloire est-ce à nos Pères d’aujourd’hui, d’avoir en moins de rien répandu si généralement leur opinion partout, que, hors les théologiens, il n’y a presque personne qui ne s’imagine que ce que nous tenons maintenant de l’attrition n’ait été de tout temps l’unique créance des fidèles ? Et ainsi, quand vous montrez, par nos Pères mêmes, qu’il y a peu d’années que cette opinion n’était pas certaine, que faites-vous autre chose, sinon donner à nos derniers auteurs tout l’honneur de cet établissement ?

Aussi Diana, notre ami intime, a cru nous faire plaisir de marquer par quels degrés on y est arrivé. C’est ce qu’il fait p. 5, tr. 13, où il dit : Qu’autrefois les anciens scolastiques soutenaient que la contrition était nécessaire aussitôt qu’on avait fait un péché mortel ; mais que depuis on a cru qu’on n’y était obligé que les jours de fêtes, et ensuite que quand quelque grande calamité menaçait tout le peuple ; que, selon d’autres, on était obligé à ne la pas différer longtemps quand on approche de la mort. Mais que nos Pères Hurtado et Vasquez ont réfuté excellemment toutes ces opinions-là, et établi qu’on n’y était obligé que quand on ne pouvait être absous par une autre voie, ou à l’article de la mort. Mais, pour continuer le merveilleux progrès de cette doctrine, j’ajouterai que nos Pères Fagundez, praec. 2, t. 2, c. 4, n. 13 ; Granados, in 3 part. contr. 7, d. 3, sec. 4, n. 17 ; et Escobar, tr. 7, ex. 4, n. 88, dans la pratique selon notre Société, ont décidé : Que la contrition n’est pas nécessaire même à la mort, parce, disent-ils, que si l’attrition avec le sacrement ne suffisante pas à la mort, il s’ensuivrait que l’attrition ne serait pas suffisante avec le sacrement. Et notre savant Hurtado, de sacr. d. 6, cité par Diana, part. 4, tr. 4, Miscell. r. 193, et par Escobar, tr. 7, ex. 4, n. 91, va encore plus loin ; écoutez-le : Le regret d’avoir péché, qu’on ne conçoit qu’à cause du seul mal temporel qui en arrive, comme d’avoir perdu la santé ou son argent, est-il suffisant ? Il faut distinguer. Si on ne pense pas que ce mal soit envoyé de la main de Dieu, ce regret ne suffit pas ; mais si on croit que ce mal est envoyé de Dieu, comme en effet tout mal, dit Diana, excepté le péché, vient de lui, ce regret est suffisant. C’est ce que dit Escobar en la Pratique de notre Société. Notre P. François Lamy soutient aussi la même chose, T. 8, disp. 3, n. 13.

Vous me surprenez, mon Père, car je ne vois rien en toute cette attrition-là que de naturel ; et ainsi un pécheur se pourrait rendre digne de l’absolution sans aucune grâce surnaturelle. Or il n’y a personne qui ne sache que c’est une hérésie condamnée par le Concile. Je l’aurais pensé comme vous, dit-il, et pourtant il faut bien que cela ne soit pas. Car nos Pères du Collège de Clermont ont soutenu dans leurs thèses du 23 mai et du 6 juin 1644, col. 4, n. I : Qu’une attrition peut être sainte et suffisante pour le sacrement, quoiqu’elle ne soit pas surnaturelle. Et dans celle du mois d’août 1643 : Qu’une attrition qui n’est que naturelle suffit pour le sacrement, pourvu qu’elle soit honnête : Ad sacramentum sufficit attritio naturalis, modo honesta. Voilà tout ce qui se peut dire, si ce n’est qu’on veuille ajouter une conséquence, qui se tire aisément de ces principes : qui est que la contrition est si peu nécessaire au sacrement, qu’elle y serait au contraire nuisible, en ce qu’effaçant les péchés par elle-même, elle ne laisserait rien à faire au sacrement. C’est ce que dit notre Père Valentia, ce célèbre Jésuite, Tom. 4, Disp. 7 qu. 8, p. 4 : La contrition n’est point du tout nécessaire pour obtenir l’effet principal du sacrement ; mais, au contraire, elle y est plutôt un obstacle : Imo obstat potius quominus effe-