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qui ont l’intention expresse de ne la point entendre. Vraiment, lui dis-je, je ne le croirais jamais, si un autre me le disait. En effet, dit-il, cela a quelque besoin de l’autorité de ces grands hommes ; aussi bien que ce que dit Escobar, au tr I, ex. II, n. 31 : Qu’une méchante intention, comme de regarder des femmes avec un désir impur, jointe à celle d’ouïr la Messe comme il faut, n’empêche pas qu’on s’y satisfasse : Nec obest alia prava intentio, ut aspiciendi libidinose feminas.

Mais on trouve encore une chose commode dans notre savant Turrianus, Select., p. 2, d. 16, dub. 7 : Qu’on peut ouir la moitié d’une même Messe d’un prêtre, et ensuite une autre moitié d’un autre, et mime qu’on peut ouïr d’abord la fin de l’une, et ensuite le commencement d’une autre. Et je vous dirai de plus qu’on a permis encore d’ouïr deux moitiés de Messe en même temps de deux différents prêtres, lorsque l’un commence la Messe quand l’autre en est à l’Elévation ; parce qu’on peut avoir l’attention à ces deux côtés à la fois, et que deux moitiés de Messe font une Messe entière : Duoe medietates unam missam constituant. C’est ce qu’ont décidé nos Pères Bauny, tr. 6, q. 9, p. 312 ; Hurtado, De Sacr., to. 2, De Missa, d. 5, diff. 4 ; Azorius, p. I, l. 7, cap. 3, q. 3, Escobar, tr. I, ex. II, n. 73, dans le chapitre De la Pratique pour ouïr la Messe selon notre Société. Et vous verrez les conséquences qu’il en tire dans ce même livre, des éditions de Lyon, des années 1644 et 1646, en ces termes : De là je conclus que vous pouvez ouïr la Messe en très peu de temps : si, par exemple, vous rencontrez quatre Messes à la fois, qui soient tellement assorties que, quand l’une commence, l’autre soit à l’Evangile, une autre à la Consécration et la dernière à la Communion. Certainement, mon Père, on entendra la Messe dans Notre-Dame en un instant par ce moyen. Vous voyez donc, dit-il, qu’on ne pouvait pas mieux faire pour faciliter la manière d’ouïr la Messe.

Mais je veux vous faire voir maintenant comment on a adouci l’usage des sacrements, et surtout de celui de la pénitence ; car c’est là où vous verrez la dernière bénignité de la conduite de nos Pères ; et vous admirerez que la dévotion, qui étonnait tout le monde, ait pu être traitée par nos Pères avec une telle prudence, qu’ayant abattu cet épouvantail que les démons avaient mis à sa porte, ils l’aient rendue plus facile que le vice, et plus aisée que la volupté ; en sorte que le simple vivre est incomparablement plus malaisé que le bien vivre, pour user des termes du P. Le Moyne, p. 244 et 291 de sa Dévotion aisée. N’est-ce pas là un merveilleux changement ? En vérité, lui dis-je, mon Père, je ne puis m’empêcher de vous dire ma pensée : Je crains que vous ne preniez mal vos mesures, et que cette indulgence ne soit capable de choquer plus de monde que d’en attirer. Car la Messe, par exemple, est une chose si grande et si sainte, qu’il suffirait, pour faire perdre à vos auteurs toute créance dans l’esprit de plusieurs personnes, de leur montrer de quelle manière ils en parlent. Cela est bien vrai, dit le Père, à l’égard de certaines gens ; mais ne savez-vous pas que nous nous accommodons à toute sorte de personnes ? Il semble que vous ayez perdu la mémoire de ce que je vous ai dit si souvent sur ce sujet. Je veux donc vous en entretenir la première fois à loisir, en différant pour cela notre entretien des adoucissements de la confession. Je vous le ferai si bien entendre, que vous ne l’oublierez jamais. Nous nous séparâmes là-dessus ; et ainsi je m’imagine que notre première conversation sera de leur politique.

Je suis, etc…