Page:Blaise Pascal - Les Provinciales.djvu/75

Cette page n’a pas encore été corrigée

païen, qui a été meilleur casuiste que ces Pères, puisqu’il a dit : Que la virginité d’une fille ne lui appartient pas tout entière, qu’une partie appartient au père et l’autre à la mère, sans lesquels elle n’en peut disposer même pour le mariage. Et je doute qu’il y ait aucun juge qui ne prenne pour une loi le contraire de cette maxime du P. Bauny.

Voilà tout ce que je puis dire de tout ce que j’entendis, et qui dura si longtemps, que je fus obligé de prier enfin le Père de changer de matière. Il le fit et m’entretint de leurs règlements pour les habits des femmes en cette sorte. Nous ne parlerons point, dit-il, de celles qui auraient l’intention impure ; mais, pour les autres, Escobar dit au tr. I, ex. 8, n. 5 : Si on se pare sans mauvaise intention, mais seulement pour satisfaire l’inclination naturelle qu’on a à la vanité, ob naturalem fastus inclinationem, ou ce n’est qu’un péché véniel, ou ce n’est point péché du tout. Et le P. Bauny, en sa Somme des péchés, Ch. 46, p. 1094, dit : Que bien que la femme eût connaissance du mauvais effet que sa diligence à se parer opérerait et au corps et en l’âme de ceux qui la contempleraient ornée de riches et précieux habits, qu’elle ne pécherait néanmoins en s’en servant. Et il cite, entre autres, notre P. Sanchez pour être du même avis.

Mais, mon Père, que répondent donc vos auteurs aux passages de l’Ecriture, qui parlent avec tant de véhémence contre les moindres choses de cette sorte ? Lessius, dit le Père, y a doctement satisfait, De Just., l. 4, c. 4, d. 14, n. 114, en disant : Que ces passages de l’Ecriture n’étaient des préceptes qu’à l’égard des femmes de ce temps-là, pour donner par leur modestie un exemple d’édification aux païens. Et d’où a-t-il pris cela, mon Père ? Il n’importe pas d’où il l’ait pris ; il suffit que les sentiments de ces grands hommes-là sont toujours probables d’eux-mêmes. Mais le P. Le Moyne a apporté une modération à cette permission générale, car il ne le veut point du tout souffrir aux vieilles : c’est dans sa Dévotion aisée, et, entre autres, pages 127, 157, 163. La jeunesse, dit-il, peut-être parée de droit naturel. Il peut-être permis de se parer en un âge qui est la fleur et la verdure des ans. Mais il en faut demeurer là : le contretemps serait étrange de chercher des roses sur la neige. Ce n’est qu’aux étoiles qu’il appartient d’être toujours au bal, parce qu’elles ont le don de jeunesse perpétuelle. Le meilleur donc en ce point serait de prendre conseil de la raison et d’un bon miroir, de se rendre à la bienséance et à la nécessité, et de se retirer quand la nuit approche. Cela est tout à fait judicieux, lui dis-je. Mais, continua-t-il, afin que vous voyiez combien nos Pères ont eu soin de tout, je vous dirai que, donnant permission aux femmes de jouer, et voyant que cette permission leur serait souvent inutile, si on ne leur donnait aussi le moyen d’avoir de quoi jouer, ils ont établi une autre maxime en leur faveur, qui se voit dans Escobar, au chap. du larcin, tr. I, ex. 9, n. 13. Une femme, dit-il, peut jouer et prendre pour cela de l’argent à son mari.

En vérité, mon Père, cela est bien achevé. Il y a bien d’autres choses néanmoins, dit le Père ; mais il faut les laisser pour parler des maximes plus importantes, qui facilitent l’usage des choses saintes comme, par exemple, la manière d’assister à la Messe. Nos grands théologiens, Gaspard Hurtado, De Sacr., to. 2, d. 5, dist. 2, et Coninck, q. 83, a. 6, n. 197, ont enseigné sur ce sujet, qu’il suffit d’être présent à la Messe de corps, quoiqu’on soit absent d’esprit, pourvu qu’on demeure dans une contenance respectueuse extérieurement. Et Vasquez passe plus avant, car il dit qu’on satisfait au précepte d’ouïr la Messe, encore même qu’on ait l’intention de n’en rien faire. Tout cela est aussi dans Escobar, tr. I, ex. II, n. 74 et 107 ; et encore au tr. I, ex. I, n. 116, où il l’explique par l’exemple de ceux qu’on mène à la Messe par force, et