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bien trouvés. Ils se sont vus trop fortement réfutés par son Second Apologétique.

C'est dans ce même esprit qu'ils ont trouvé cette rare et toute nouvelle invention de la demi-heure et du sable. Ils se sont délivrés par là de l'importunité de ces docteurs qui entreprenaient de réfuter toutes leurs raisons, de produire les livres pour les convaincre de fausseté, de les sommer de répondre, et de les réduire à ne pouvoir répliquer.

Ce n'est pas qu'ils n'aient bien vu que ce manquement de liberté, qui avait porté un si grand nombre de docteurs à se retirer des assemblées, ne ferait pas de bien à leur censure; et que l'acte de protestation de nullité qu'en avait fait M. Arnauld, dès avant qu'elle fût conclue, serait un mauvais préambule pour la faire recevoir favorablement. Ils croient assez que ceux qui ne sont pas préoccupés considèrent pour le moins autant le jugement de soixante-dix docteurs, qui n'avaient rien à gagner en défendant M. Arnauld, que celui d'une centaine d'autres, qui n'avaient rien à perdre en le condamnant.

Mais, après tout, ils ont pensé que c'était toujours beaucoup d'avoir une censure, quoiqu'elle ne soit que d'une partie de la Sorbonne et non pas de tout le corps; quoiqu'elle soit faite avec peu ou point de liberté, et obtenue par beaucoup de menus moyens qui ne sont pas des plus réguliers; quoiqu'elle n'explique rien de ce qui pouvait être en dispute; quoiqu'elle ne marque point en quoi consiste cette hérésie, et qu'on y parle peu, de crainte de se méprendre. Ce silence même est un mystère pour les simples; et la censure en tirera cet avantage singulier, que les plus critiques et les plus subtils théologiens n'y pourront trouver aucune mauvaise raison.

Mettez-vous donc l'esprit en repos, et ne craignez point d'être hérétique en vous servant de la proposition condamnée. Elle n'est mauvaise que dans la Seconde Lettre de M. Arnauld. Ne vous en voulez-vous pas fier à ma parole? croyez-en M. Le Moine, le plus ardent des examinateurs, qui, en parlant encore ce matin à un docteur de mes amis, qui lui demandait en quoi consiste cette différence dont il s'agit, et s'il ne serait plus permis de dire ce qu'ont dit les Pères: Cette proposition, lui a-t-il excellemment répondu, serait catholique dans une autre bouche; ce n'est que dans M. Arnauld que la Sorbonne l'a condamnée. Et ainsi admirez les machines du Molinisme, qui font dans l'Eglise de si prodigieux renversements, que ce qui est catholique dans les Pères devient hérétique dans M. Arnauld; que ce qui était hérétique