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avec toutes les contradictions imaginables, que des prêtres qui ne prêchent que la grâce de Jésus-Christ, la pureté de l’Evangile et les obligations du baptême, ont renoncé à leur baptême, à l’Evangile et à Jésus-Christ ? Qui le croira, mes Pères ? Le croyez-vous vous-mêmes, misérables que vous êtes ? Et à quelle extrémité êtes-vous réduits, puisqu’il faut nécessairement ou que vous prouviez qu’ils ne croient pas en Jésus-Christ, ou que vous passiez pour les plus abandonnés calomniateurs qui furent jamais ! Prouvez-le donc, mes Pères. Nommez cet ecclésiastique de mérite, que vous dites avoir assisté à cette Assemblée de Bourg-Fontaine en 1621, et avoir découvert à votre Filleau le dessein qui y fut pris de détruire la religion chrétienne ; nommez ces six personnes que vous dites y avoir formé cette conspiration ; nommez celui qui est désigné par ces lettres A. A., que vous dites, p. 15, n’être pas Antoine Arnauld, parce qu’il vous a convaincus qu’il n’avait alors que neuf ans, mais un autre que vous dites être encore en vie, et trop bon ami de M. Arnauld pour lui être inconnu. Vous le connaissez donc, mes Pères ; et par conséquent, si vous n’êtes vous-mêmes sans religion, vous êtes obligés de déférer cet impie au Roi et au Parlement, pour le faire punir comme il le mériterait. Il faut parler, mes Pères ; il faut le nommer, ou souffrir la confusion de n’être plus regardés que comme des menteurs indignes d’être jamais crus. C’est en cette manière que le bon P. Valérien nous a appris qu’il fallait mettre à la gêne et pousser à bout de tels imposteurs. Votre silence là-dessus sera une pleine et entière conviction de cette calomnie diabolique. Les plus aveugles de vos amis seront contraints d’avouer que ce ne sera point un effet de votre vertu, mais de votre impuissance, et d’admirer que vous ayez été si méchants que de l’étendre jusqu’aux religieuses de Port-Royal, et de dire, comme vous faites, p. 14, que le Chapelet secret du Saint-Sacrement, composé par l’une d’elles, a été le premier fruit de cette conspiration contre Jésus-Christ ; et dans la page 95, qu’on leur a inspiré toutes les détestables maximes de cet écrit, qui est, selon vous, une instruction de Déisme. On a déjà ruiné invinciblement vos impostures sur cet écrit, dans la défense de la Censure de feu M. l’archevêque de Paris contre votre P. Brisacier. Vous n’avez rien à y repartir ; et vous ne laissez pas d’en abuser encore d’une manière plus honteuse que jamais, pour attribuer à des filles d’une piété connue de tout le monde le comble de l’impiété. Cruels et lâches persécuteurs, faut-il donc que les cloîtres les plus retirés ne soient pas des asiles contre vos calomnies ! Pendant que ces saintes Vierges adorent nuit et jour Jésus-Christ au Saint Sacrement, selon leur institution, vous ne cessez nuit et jour de publier qu’elles ne croient pas qu’il soit ni dans l’Eucharistie, ni même à la droite de son Père ; et vous les retranchez publiquement de l’Église pendant qu’elles prient dans le secret pour vous et pour toute l’Église. Vous calomniez celles qui n’ont point d’oreilles pour vous ouïr, ni de bouche pour vous répondre. Mais Jésus-Christ, en qui elles sont cachées pour ne paraître qu’un jour avec lui, vous écoute, et répond pour elles. On l’entend aujourd’hui, cette voix sainte et terrible, qui étonne la nature, et qui console l’Église. Et je crains, mes Pères, que ceux qui endurcissent leurs cœurs, et qui refusent avec opiniâtreté de l’ouïr quand il parle en Dieu, ne soient forcés de l’ouïr avec effroi quand il leur parlera en Juge.

Car enfin, mes Pères, quel compte lui pourrez-vous rendre de tant de calomnies lorsqu’il les examinera non sur les fantaisies de vos Pères Dicastillus, Gans et Pennalossa, qui les excusent, mais sur les règles de sa vérité éternelle et sur les saintes ordonnances de son Église, qui, bien loin d’excuser ce crime, l’abhorre tellement qu’elle l’a puni de même qu’un homicide volontaire ? Car elle a différé aux calomnia-