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cardinal de Richelieu, dans ses Controverses, p. 536 : Les nouveaux Ministres de France s’étant unis avec les Luthériens qui croient la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie, ils ont déclaré qu’ils ne demeurent séparés de l’Église, touchant ce mystère, qu’à cause de l’adoration que les Catholiques rendent à l’Eucharistie. Faites signer à Genève tous les passages que je vous ai rapportés des livres de Port-Royal, et non pas seulement les passages, mais les traités entiers touchants ce mystère, comme le livre de la Fréquente Communion, l’Explication des Cérémonies de la messe, l’Exercice durant la messe, les Raisons de la suspension du S. Sacrement, la traduction des Hymnes dans les Heures de Port-Royal, etc. Et enfin faites établir à Charenton cette institution sainte d’adorer sans cesse Jésus-Christ enfermé dans l’Eucharistie, comme on fait à Port-Royal, et ce sera le plus signalé service que vous puissiez rendre à l’Église, puisque alors le Port-Royal ne sera pas d’intelligence avec Genève, mais Genève d’intelligence avec le Port-Royal et toute l’Église.

En vérité, mes Pères, vous ne pouviez plus mal choisir que d’accuser le Port-Royal de ne pas croire l’Eucharistie ; mais je veux faire voir ce qui vous y a engagés. Vous savez que j’entends un peu votre politique. Vous l’avez bien suivie en cette rencontre. Si M. l’abbé de Saint-Cyran et M. Arnauld n’avaient fait que dire ce qu’on doit croire touchant ce mystère, et non pas ce qu’on doit faire pour s’y préparer, ils auraient été les meilleurs catholiques du monde, et il ne se serait point trouvé d’équivoques dans leurs termes de présence réelle et de transsubstantiation. Mais, parce qu’il faut que tous ceux qui combattent vos relâchements soient hérétiques, et dans le point même où ils les combattent, comment M. Arnauld ne le serait-il pas sur l’Eucharistie, après avoir fait un livre exprès contre les profanations que vous faites de ce sacrement ? Quoi, mes Pères ! il aurait dit impunément : Qu’on ne doit point donner le corps de Jésus-Christ à ceux qui retombent toujours dans les mêmes crimes, et auxquels on ne voit aucune espérance d’amendement ; et qu’on doit les séparer quelque temps de l’autel, pour se purifier par une pénitence sincère, afin de s’en approcher ensuite avec fruit. Ne souffrez pas qu’on parle ainsi, mes Pères ; vous n’auriez pas tant de gens dans vos confessionnaux. Car votre P. Brisacier dit que si vous suiviez cette méthode vous n’appliqueriez le sang de Jésus-Christ sur personne. Il vaut bien mieux pour vous qu’on suive la pratique de votre Société, que votre P. Mascarenhas rapporte dans un livre approuvé par vos docteurs, et même par votre R. P. Général, qui est : Que toutes sortes de personnes, et même les prêtres, peuvent recevoir le Corps de Jésus-Christ le jour même qu’ils se sont souillés par des péchés abominables ; que, bien loin qu’il y ait de l’irrévérence en ces communions, on est louable au contraire d’en user de la sorte ; que les confesseurs ne les en doivent point détourner, et qu’ils doivent au contraire conseiller à ceux qui viennent de commettre ces crimes de communier à l’heure même, parce que encore que l’Église l’ait défendu, cette défense est abolie par la pratique universelle de toute la terre. Mascar. tr. 4, disp. 5, n. 284.

Voilà ce que c’est, mes Pères, d’avoir des Jésuites par toute la terre. Voilà la pratique universelle que vous y avez introduite et que vous y voulez maintenir. Il n’importe que les tables de Jésus-Christ soient remplies d’abominations, pourvu que vos églises soient pleines de monde. Rendez donc ceux qui s’y opposent hérétiques sur le Saint-Sacrement : il le faut, à quelque prix que ce soit. Mais comment le pourrez-vous faire après tant de témoignages invincibles qu’ils ont donnés de leur foi ? N’avez-vous point de peur que je rapporte les quatre grandes preuves que vous donnez de leur hérésie ? Vous le devriez, mes Pères, et je ne dois point vous en épargner la honte. Examinons donc la première.

M. de Saint-Cyran, dit le P. Meynier, en consolant un de ses amis sur la mort de sa mère, tom. I, Lettre 14, dit que le plus agréable sacrifice qu’on puisse offrir à Dieu