Page:Blaise Pascal - Les Provinciales.djvu/137

Cette page n’a pas encore été corrigée

Du 4 décembre 1656.

Mes Révérends Pères,

Voici la suite de vos calomnies, où je répondrai d’abord à celles qui restent de vos Avertissements. Mais comme tous vos autres livres en sont également remplis, ils me fourniront assez de matière pour vous entretenir sur. ce sujet autant que je le jugerai nécessaire. Je vous dirai donc en un mot, sur cette fable que vous avez semée dans tous vos écrits contre Mr d’Ypres, que vous abusez malicieusement de quelques paroles ambiguës d’une de ses lettres, qui, étant capables d’un bon sens, doivent être prises en bonne part, selon l’esprit de l’Église, et ne peuvent être prises autrement que selon l’esprit de votre Société. Car pourquoi voulez-vous qu’en disant à son ami : Ne vous mettez point tant en peine de votre neveu, je lui fournirai ce qui est nécessaire de l’argent qui est entre mes mains, il ait voulu dire par là qu’il prenait cet argent pour ne le point rendre, et non pas qu’il l’avançait seulement pour le remplacer ? Mais ne faut-il pas que vous soyez bien imprudents d’avoir fourni vous-mêmes la conviction de votre mensonge par les autres lettres de Mr d’Ypres, que vous avez imprimées, qui marquent visiblement que ce n’était en effet que des avances, qu’il devait remplacer ? C’est ce qui paraît dans celle que vous rapportez, du 30 juillet 1619, en ces termes qui vous confondent : Ne vous souciez pas DES AVANCES ; il ne lui manquera rien tant qu’il sera ici. Et par celle du 6 janvier 1620, où il dit : Vous avez trop de hâte, et quand il serait question de rendre compte, le peu de crédit que j’ai ici me ferait trouver de l’argent au besoin.

Vous êtes donc des imposteurs, mes Pères, aussi bien sur ce sujet que sur votre conte ridicule du tronc de S. Merry. Car quel avantage pouvez-vous tirer de l’accusation qu’un de vos bons amis suscita à cet ecclésiastique que vous voulez déchirer ? Doit-on conclure qu’un homme est coupable parce qu’il est accusé ? Non, mes Pères. Des gens de piété comme lui pourront toujours être accusés tant qu’il y aura au monde des calomniateurs comme vous. Ce n’est donc pas par l’accusation, mais par l’arrêt qu’il en faut juger. Or, l’arrêt qui en fut rendu le 23 février 1656 le justifie pleinement ; outre que celui qui s’était engagé témérairement dans cette injuste procédure fut désavoué par ses collègues, et forcé lui-même à la rétracter. Et quant à ce que vous dites au même lieu de ce fameux directeur qui se fit riche en un moment de neuf cent mille livres, il suffit de vous renvoyer à MM. les Curés de S. Roch et de S. Paul, qui rendront témoignage à tout Paris de son parfait désintéressement dans cette affaire, et de votre malice inexcusable dans cette imposture.

En voilà assez pour des faussetés si vaines. Ce ne sont là que des coups d’essai de vos novices, et non pas les coups d’importance de vos grands profès. J’y viens donc, mes Pères ; je viens à cette calomnie, l’une des plus noires