Page:Blaise Pascal - Les Provinciales.djvu/134

Cette page n’a pas encore été corrigée

naire ; et, pour en omettre une infinité d’exemples, je crois que vous vous contenterez que je vous en rapporte encore un.

On vous a reproché en divers temps une autre proposition du même P. Bauny, tr. 4, q. 22, p. 100 : On ne doit dénier ni différer l’absolution à ceux qui sont dans les habitudes de crimes contre la loi de Dieu, de nature et de l’Église, encore qu’on n’y voie aucune espérance d’amendement : et si émendationis futuroe spes nulla appareat. Je vous prie sur cela, mes Pères, de me dire lequel y a le mieux répondu, selon votre goût, ou de votre P. Pinthereau, ou de votre P. Brisacier, qui défendent le P. Bauny en vos deux manières : l’un en condamnant cette proposition, mais en désavouant aussi qu’elle soit du P. Bauny ; l’autre en avouant qu’elle est du P. Bauny, mais en la justifiant en même temps. Ecoutez-les donc discourir. Voici le P. Pinthereau, p. 18 : Qu’appelle-t-on franchir les bornes de toute pudeur, et passer au delà de toute impudence, sinon d’imposer au P. Bauny, comme une chose avérée, une si damnable doctrine ? Jugez, lecteur, de l’indignité de cette calomnie, et voyez à qui les Jésuites ont affaire, et si l’auteur d’une si noire supposition ne doit pas passer désormais pour le truchement du père des mensonges. Et voici maintenant votre P. Brisacier, 4. p., page 21 : En effet, le P. Bauny dit ce que vous rapportez. (C’est démentir le P. Pinthereau bien nettement) : Mais, ajoute-t-il pour justifier le P. Bauny, vous qui reprenez cela, attendez, quand un pénitent sera à vos pieds, que son ange gardien hypothèque tous les droits qu’il a au ciel pour être sa caution. Attendez que Dieu le Père jure par son chef que David a menti quand il a dit, par le Saint-Esprit, que tout homme est menteur, trompeur et fragile ; et que ce pénitent ne soit plus menteur, fragile, changeant, ni pécheur comme les autres, et vous n’appliquerez le sang de Jésus-Christ sur personne.

Que vous semble-t-il, mes Pères, de ces expressions extravagantes et impies, que, s’il fallait attendre qu’il y eût quelque espérance d’amendement dans les pécheurs pour les absoudre, il faudrait attendre que Dieu le Père jurât par son chef qu’ils ne tomberaient jamais plus ? Quoi ! mes Pères, n’y a-t-il point de différence entre l’espérance et la certitude ? Quelle injure est-ce faire à la grâce de Jésus-Christ de dire qu’il est si peu possible que les Chrétiens sortent jamais des crimes contre la loi de Dieu, de nature et de l’Église, qu’on ne pourrait l’espérer sans que le Saint-Esprit eût menti : de sorte que, selon vous, si on ne donnait l’absolution à ceux dont on n’espère aucun amendement, le sang de Jésus-Christ demeurerait inutile, et on ne l’appliquerait jamais sur personne ! A quel état, mes Pères, vous réduit le désir immodéré de conserver la gloire de vos auteurs, puisque vous ne trouvez que deux voies pour les justifier, l’imposture ou l’impiété ; et qu’ainsi la plus innocente manière de vous défendre est de désavouer hardiment les choses les plus évidentes !

De là vient que vous en usez si souvent. Mais ce n’est pas encore là tout ce que vous savez faire. Vous forgez des écrits pour rendre vos ennemis odieux, comme la Lettre d’un ministre à M. Arnauld, que vous débitâtes dans tout Paris, pour faire croire que le livre de la Fréquente Communion, approuvé par tant d’évêques et tant de docteurs, mais qui, à la vérité, vous était un peu contraire, avait été fait par une intelligence secrète avec les ministres de Charenton. Vous attribuez d’autres fois à vos adversaires des écrits pleins d’impiété, comme la Lettre circulaire des Jansénistes, dont le style impertinent rend cette fourbe trop grossière, et découvre trop clairement la malice ridicule de votre P. Meynier, qui ose s’en servir, p. 28, pour appuyer ses plus noires impostures. Vous citez quelquefois des livres qui ne furent jamais au monde, comme Les Constitutions du Saint-Sacrement, d’où vous rapportez des passages que vous fabriquez à plaisir, et qui font dresser les cheveux à la tête des simples, qui ne savent pas quelle est votre hardiesse à inventer et publier des mensonges : car il n’y a sorte de calomnie que vous n’ayez mise en usa-