cette dispute en ces termes, De Just., l. 2, tr. 2, disp. 12, n. 404 : Un certain religieux grave, pied nu et encapuchonné, cucullatus gymnopoda, que je ne nomme point, eut la témérité de décrier cette opinion parmi des femmes et des ignorants, et de dire qu’elle était pernicieuse et scandaleuse contre les bonnes mœurs, contre la paix des États et des sociétés, et enfin contraire non seulement à tous les docteurs catholiques, mais à tous ceux qui peuvent être catholiques. Mais je lui ai soutenu, comme je soutiens encore, que la calomnie, lorsqu’on en use contre un calomniateur, quoiqu’elle soit un mensonge, n’est point néanmoins un péché mortel, ni contre la justice, ni contre la charité ; et, pour le prouver, je lui fourni en foule nos Pères et les Universités entières qui en sont composées, que j’ai, tous consultés, et entre autres le R. Père Jean Gans, confesseur de l’Empereur ; le R. P. Daniel Bastèle, confesseur de l’Archiduc Léopold ; le P. Henri, qui a été précepteur de ces deux Princes ; tous les professeurs publics et ordinaires de l’Université de Vienne (toute composée de Jésuites) ; tous les Professeurs de l’Université de Gratz (toute de Jésuites) ; tous les professeurs de l’Université de Prague (dont les Jésuites sont les maîtres) : de tous lesquels j’ai en main les approbations de mon opinion, écrites et signées de leur main ; outre que j’ai encore pour moi le P. de Pennalossa, Jésuite, Prédicateur de l’Empereur et du Roi d’Espagne, le P. Pilliceroli, Jésuite, et bien d’autres qui avaient tous jugé cette opinion probable avant notre dispute. Vous voyez bien, mes Pères, qu’il y a peu d’opinions que vous ayez pris si à tâche d’établir, comme il y en avait peu dont vous eussiez tant de besoin. Et c’est pourquoi vous l’avez tellement autorisée que les casuistes s’en servent comme d’un principe indubitable. Il est constant, dit Caramuel, n. 1151, que c’est une opinion probable qu’il n’y a point de péché mortel à calomnier faussement pour conserver son honneur. Car elle est soutenue par plus de vingt docteurs graves, par Gaspard Hurtado et Dicastillus, Jésuites, etc., de sorte que, si cette doctrine n’était probable, à peine y en aurait-il aucune qui le fût en toute la théologie.
O théologie abominable et si corrompue en tous ses chefs que si, selon ses maximes, il n’était probable et sûr en conscience qu’on peut calomnier sans crime pour conserver son honneur, à peine y aurait-il aucune de ses décisions qui fût sûre ? Qu’il est vraisemblable, mes Pères, que ceux qui tiennent ce principe le mettent quelquefois en pratique ! L’inclination corrompue des hommes s’y porte d’elle-même avec tant d’impétuosité qu’il est incroyable qu’en levant l’obstacle de la conscience, elle ne se répande avec toute sa véhémence naturelle. En voulez-vous un exemple ? Caramuel vous le donnera au même lieu : Cette maxime, dit-il, du P. Dicastillus, Jésuite, touchant la calomnie, ayant été enseignée par une Comtesse d’Allemagne aux filles de l’Impératrice, la créance qu’elles eurent de ne pécher au plus que véniellement par des calomnies en fit tant naître en peu de jours, et tant de médisances, et tant de faux rapports, que cela mit toute la Cour en combustion et en alarme. Car il est aisé de s’imaginer l’usage qu’elles en surent faire : de sorte que, pour apaiser ce tumulte, on fut obligé d’appeler un bon P. Capucin d’une vie exemplaire, nommé le P. Quiroga (et ce fut sur quoi le P. Dicastillus le querella tant), qui vint leur déclarer que cette maxime était très pernicieuse, principalement parmi des femmes ; et il eut un soin particulier de faire que l’Impératrice en abolît tout à fait l’usage. On ne doit pas être surpris des mauvais effets que causa cette doctrine. Il faudrait admirer au contraire qu’elle ne produisît pas cette licence. L’amour-propre nous persuade toujours assez que c’est avec injustice qu’on nous attaque ; et à vous principalement, mes Pères, que la vanité aveugle de telle sorte que vous voulez faire croire en tous vos écrits que c’est blesser l’honneur de l’Église que de blesser celui de votre Société. Et ainsi, mes Pètes, il y aurait lieu de trouver étrange que vous ne missiez cette maxime en pratique. Car il ne faut plus dire de vous comme font ceux qui ne vous connaissent pas : Comment ces bons Pères voudraient-ils calomnier leurs ennemis, puisqu’ils ne le pourraient faire que