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Vous voyez donc, monsieur, que, si c’est là tout ce que vous avez à dire pour la défense de Tannerus, vous ne ferez que le rendre coupable d’une plus grande impiété. Mais vous ne prouverez pas encore par là qu’il y ait, selon lui, simonie de droit positif à recevoir de l’argent comme motif pour donner des bénéfices. Car remarquez, s’il vous plaît, qu’il ne dit pas simplement que c’est une simonie de donner un bien spirituel pour un temporel comme motif, et non comme prix ; mais qu’il y ajoute une alternative, en disant que c’est « ou une simonie de droit positif, ou une simonie présumée. » Or, une simonie présumée n’est pas une simonie devant Dieu ; elle ne mérite aucune peine dans le tribunal de la conscience. Et ainsi, dire, comme fait Tannerus, que c’est une simonie de droit positif, ou une simonie présumée, c’est dire en effet que c’est une simonie, ou que ce n’en est pas une. Voilà à quoi se réduit l’exception de Tannerus, que l’auteur des Lettres n’a pas dû rapporter dans sa sixième lettre ; parce que, ne citant aucunes paroles de ce jésuite, il y dit simplement qu’il est de l’avis de Valentia ; mais il la rapporte, et il y répond expressément dans sa douzième, quoique vous l’accusiez faussement de l’avoir dissimulée.

Ç’a été pour éviter l’embarras de toutes ces distinctions que l’auteur des Lettres avoit demandé aux jésuites « si c’étoit simonie en conscience, selon leurs auteurs, de donner un bénéfice de quatre mille livres de rente en recevant dix mille francs comme motif, et non comme prix. » Il les a pressés sur cela de lui donner réponse précise sans parler de droit positif, c’est-à-dire sans se servir de ces termes que le monde n’entend pas, et non pas sans y avoir égard, comme vous l’avez pris contre toutes les lois de la grammaire.Vous y avez donc voulu satisfaire et vous répondez, en un mot, « qu’en ôtant le droit positif, il n’y auroit point de simonie, comme il n’y auroit point de péché à n’entendre point la messe un jour de fête, si l’Église ne l’avoit point commandé ; » c’est-à-dire que ce n’est une simonie que parce que l’Église l’a voulu, et que, sans ses lois positives, ce seroit une action indifférente. Sur quoi j’ai à vous repartir :

Premièrement, que vous répondez fort mal à la question qu’on a faite. L’auteur des Lettres demandoit s’il y avoit simonie, selon les auteurs jésuites qu’il avoit cités, et vous nous dites de vous-même qu’il n’y a que simonie de droit positif. Il n’est pas question de savoir votre opinion, elle n’a pas d’autorité. Prétendez-vous être un docteur grave ? Cela seroit fort disputable. Il s’agit de Valentia, Tannerus, Sanchez, Escobar, Érade Bille, qui sont indubitablement graves. C’est selon leur sentiment qu’il faut répondre. L’auteur des Lettres prétend que vous ne sauriez dire, selon tous ces jésuites, qu’il y ait en cela simonie en conscience. Pour Valentia, Sanchez, Escobar et les autres, vous le quittez. Vous le disputez un peu sur Tannerus ; mais vous avez vu que c’étoit sans fondement : de sorte qu’après tout il demeure constant que la Société enseigne qu’on peut, sans simonie, en conscience, donner un bien spirituel pour un temporel, pourvu que le temporel n’en soit que le motif principal, et non pas le prix. C’est tout ce qu’on demandoit.

Et en second lieu, je vous soutiens que votre réponse contient une impiété horrible. Quoi, monsieur ! vous osez dire que, sans les lois de l’Église, il n’y auroit point de simonie de donner de l’argent, avec ce détour d’intention, pour entrer dans les charges de l’Église ; qu’avant les canons qu’elle a faits de la simonie, l’argent étoit un moyen permis pour y parvenir, pourvu qu’on ne le donnât pas comme prix, et qu’ainsi saint Pierre fut téméraire de condamner si fortement Simon le Magicien, puisqu’il ne paroissoit point qu’il lui offrît de l’argent plutôt comme prix que comme motif !

A quelle école nous renvoyez-vous pour y apprendre cette doctrine ? Ce