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vées, et que même ils y en ont trouvé de toutes contraires. Ils ont demandé ensuite avec instance que, s’il y avait quelque docteur qui les y eût vues, il voulût les montrer ; que c’était une chose si facile qu’elle ne pouvait être refusée, puisque c’était un moyen sûr de les réduire tous, et M. Arnauld même ; mais on le leur a toujours refusé. Voilà ce qui s’est passé de ce côté-là.

De l’autre se sont trouvés quatre-vingts docteurs séculiers, et quelque quarante religieux mendiants, qui ont condamné la proposition de M. Arnauld sans vouloir examiner si ce qu’il avait dit était vrai ou faux, et ayant même déclaré qu’il ne s’agissait pas de la vérité, mais seulement de la témérité de sa proposition.

Il s’en est de plus trouvé quinze qui n’ont point été pour la censure, et qu’on appelle indifférents.

Voilà comment s’est terminée la question de fait, dont je ne me mets guère en peine ; car, que M. Arnauld soit téméraire ou non, ma conscience n’y est pas intéressée. Et si la curiosité me prenait de savoir si ces propositions sont dans Jansénius, son livre n’est pas si rare, ni si gros que je ne le pusse lire tout entier pour m’en éclaircir, sans en consulter la Sorbonne.

Mais, si je ne craignais aussi d’être téméraire, je crois que je suivrais l’avis de la plupart des gens que je vois, qui, ayant cru jusqu’ici, sur la foi publique, que ces propositions sont dans Jansénius, commencent à se défier du contraire, par le refus bizarre qu’on fait de les montrer, qui est tel, que je n’ai encore vu personne qui m’ait dit les y avoir vues. De sorte que je crains que cette censure ne fasse plus de mal que de bien, et qu’elle ne donne à ceux qui en sauront l’histoire une impression tout opposée à la conclusion ; car, en vérité, le monde devient méfiant et ne croit les choses que quand il les voit. Mais, comme j’ai déjà dit, ce point-là est peu important, puisqu’il ne s’y agit point de la foi.

Pour la question de droit, elle semble bien plus considérable, en ce qu’elle touche la foi. Aussi j’ai pris un soin particulier de m’en informer. Mais vous serez bien satisfait de voir que c’est une chose aussi peu importante que la première.

Il s’agit d’examiner ce que M. Arnauld a dit dans la même lettre : Que la grâce, sans laquelle on ne peut rien, a manqué à saint Pierre, dans sa chute. Sur quoi nous pensions, vous et moi, qu’il était question d’examiner les plus grands principes de la grâce ; comme si