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ble, qu’il faut se déclarer pour le crime, si on la rejette. Elle est si convenable à l’homme, qu’on ne peut vivre content sans la pratiquer. Elle est si parfaite, qu’elle rend parfaits tous ses fidéles observateurs.

La Doctrine des hommes est bien différente. Défectueuse comme eux, ou elle n’a rien de solide, rien de vrai, rien de certain, ou elle n’a rien de digne d’une ame immortelle. Ou tout y est vain, idées, maximes, préceptes, morale ; ou tout y est chimérique, ridicule, impratiquable, speculatif, inutile pour une autre vie. Rien n’y fixe les desirs ; rien n’y régle l’intérieur ; rien n’y porte la réforme jusqu’au cœur. Rien n’y éléve l’homme au-dessus de lui-même ; rien ne l’y conduit à la derniere fin ; rien ne lui aprend à s’abandonner aux soins de sa divine Providence ; rien ne lui fait un devoir de se renoncer en tout ; rien ne l’oblige de ne desirer que le Ciel, de n’estimer que la pure vertu, de ne vivre que pour Dieu, & de se sacrifier tout entier à son Créateur. Pour ce qui est de la pauvreté parfaite, de l’obéissance, de la virginité, de la Priere continuelle, du pardon des injures, de l’amour des ennemis, de la charité parfaite, & des beatitudes Evangeliques, ce sont des vertus dont les Sages de la terre n’ont pas même euë l’idée. S’il y a dans leur Doctrine quelque chose de suportable ; c’est ce qui semble s’aprocher de la Chrétienne.

Faisons maintenant l’aplication de ce qui vient d’être dit en l’honneur de la Doctrine Chrétienne, à la fonction de l’enseigner. La gloire de l’une rejaillit sur l’autre & les deux font honneur à l’Institut des Freres & des Sœurs des Ecoles Chrétiennes. Catéchistes par état & destinez à aprendre la Doctrine de Jesus-Christ, ils ont en partage l’office d’enseigner la science du Salut, la science de la Religion, la science des Saints. C’est sur l’importance de cette science divine, qu’il faut mesurer l’importance de ces Instituts. Veut-on sçavoir combien ils sont nécessaires au public ; qu’on pése d’un côté la nécessité de la science du Salut ; & de l’autre, la nécessité d’avoir des Maîtres qui l’enseignent avec zéle, avec édification & avec succez. Qu’on considére d’une part, que l’ignorance de cette divine Doctrine fait la perte d’une infinité d’ames ; & de l’autre, que cette perte ne peut guére être réparée que par l’établissement des Ecoles Chrétiennes. Disons donc avec le sçavant Chancelier de l’Université de Paris, le célèbre Gerson, que ceux qui les calomnient & qui les décrient, rendent un grand service au démon, & donnent aux enfans un grand scandale, indirectement au moins, & d’une maniere oblique, s’ils ne le font pas manifestement & à face découverte. En effet, continuë le même Docteur, il y en a qui poussez par l’esprit du démon & qui, ajoûtant autant qu’ils le peuvent, péchez à péchez, semblent n’avoir d’autre soin que d’avoir des compagnons de leur damnation éternelle….. En ce tems, plus qu’en tout autre, le cœur de l’homme se tourne au mal dès la jeunesse, & les enfans succent le lait empoisonné du peché, presque dès qu’ils le peuvent commettre. Leur grand malheur est, qu’ils n’ont ni parens ni Maitres qui prennent soin de leur instruction, & de leur éducation. Il ne faut donc pas s’étonner s’ils se lassent si facilement entrainer au mal.[1]

La vie éternelle consistant à connoitre le seul vrai Dieu, & son Fils Jesus-Christ. (Joan. 17. v. 3.) Quel est le malheur de ces pauvres enfans qui demeurent faute d’instruction, dans la plus profonde ignorance de Dieu & de Jesus-Christ ? Peut-on assez le déplorer ? Peut-on avoir un peu de zéle, & ne pas desirer de voir des Ecoles Gratuites & Chrétiennes se multiplier de tous côtez, puisque ces établissemens sont le grand reméde contre l’ignorance du salut ? Que les

  1. At….. qui ponunt scandalum non immediatè & apertè ante pusillorum pedes, sed velut à Latere….. ductoribus eorumdem et instructoribus insidiantur, eos subsannant, & infamant et calumniantur. Loc. supra cit. confid. I. Longe post medium. Idem, ibid.