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pêchez point ; car le Royaume des Cieux est pour ceux qui leur sont semblables. Il étend à leur égard sa prédilection jusqu’à dire, qu’il regarde comme fait à sa personne ce qu’on leur fait'. (Matth. 18. 5. 10.) & à faire les plus terribles menaces contre ceux qui les scandalisent. O ! très-pieux Jesus, s’écrie là-dessus le dévot Gerson, après un tel exemple de votre humilité & de votre charité à l’égard des enfans, qui aura honte desormais de s’abaisser à les instruire ? Aprés vous avoir vû étendre les bras pour embrasser les enfans, qui osera écouter le sentiment de l’orguëil & de la prétenduë grandeur qui porte à les mépriser ? (Loc. cit. consid. 4. circa initium.) Est-ce donc, dit encore ce pieux Auteur, que les enfans & les jeunes gens sont une vile portion de l’Eglise, eux à qui le Royaume des Cieux apartient (Ibid. Prolog. circa initium.) Cependant combien y a t-il de gens, remarque ce grand Zélateur du salut des enfans, qui croyent que la fonction d’instruire ces petits, ne convient pas, & est même indigne d’un grand Théologien, ou d’un Sçavant, ou d’un Ecclésiastique élevé en dignité….. Quant à moi, je ne connois rien de plus grand, ajoute-t-il, que d’arracher de la gueule du Lion infernal & des abîmes de l’enfer, & en particulier de travailler à cultiver celles des enfans, & d’y jetter de bonne heure la sémence de la vertu, & d’arroser avec soin cette précieuse partie du champ de l’Eglise. (Ibid. consid. 4. circa initium.)

En effet, le salut de la plûpart est attaché à ce soin ; & si un si grand nombre se perdent dans la suite de l’âge, c’est faute d’instruction. Tout ce que Jesus-Christ a fait & souffert pour enseigner la divine Doctrine, doit nous faire juger de son prix.

C’est pour en montrer l’importance & la nécessité, aussi-bien que l’excellence & la sainteté, qu’il dit 1°. Quelle est la Doctrine de Dieu son Père qui l’a envoyé : Mea Doctrina non est mea, sed ejus qui misit me Patris. 2°. Qu’il n’enseigne que ce qu’il a apris de son Pere, quæcumque audivi à Patre, nota feci vobis. 3°. Qu’il décide que tous ceux qui ne veulent pas la recevoir, sont déja condamnez, & qu’ils ne peuvent pas avoir la vie éternelle.

2. Cette Doctrine, est la Doctrine du Ciel, la science du salut, la science des Saints.

Cette Doctrine est apellée celeste, parce qu’elle vient du Ciel, parce que le Ciel l’a révélée, parce qu’elle n’a que le Ciel pour objet & pour fin, & parce qu’elle enseigne la voie d’y arriver. Elle est apellée divine, parce que non-seulement c’est le Fils de Dieu qui l’a enseignée, mais que c’est dans le sein de Dieu même qu’il l’a puisée, c’est-à-dire, que Dieu en est l’auteur, comme Jesus-Christ en est le Docteur. Elle s’apelle la science du salut, parce qu’elle renferme ce que Dieu a déterminé de toute éternité, que les hommes sçussent & fissent pour être sauvez. Elle est encore nommée la science des Saints, parce qu’elle rend Saints tous ceux qui la pratiquent à la lettre, & qu’on ne peut être saint, si on la néglige. Peut-il donc être indifférent de sçavoir ou d’ignorer la Doctrine de Dieu même, ces véritez éternelles qu’il a révélées par la bouche de son propre Fils, ces Mysteres adorables qui composent l’œconomie de la Redemption du genre humain, cette Loi si sainte, & cette Morale si pure, qui sont le fond de nôtre Religion ; ces Sacremens si précieux qui sont les canaux des graces & les moyens de salut ; enfin ces véritez si sublimes que la chair & le sang ne peuvent découvrir, & que le Pere céleste seul révele ?

Or si rien n’est plus nécessaire, ni plus important que la connoissance de cette Doctrine, qu’on avoüe donc que rien n’est plus important & plus nécessaire que l’institution des Ecoles, où l’on enseigne gratuitement & par pure charité.

Dans toutes les autres Ecoles, on aprend la Doctrine des hommes ; il n’y a que dans celle-ci où on enseigne la Doctrine de Dieu. Car enfin toute autre Doctrine est une Doctrine humaine ; par conséquent ou dangereuse, ou pernicieuse, ou inutile à Salut, ou défectueuse.