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mi eux qui se convertissent dans l’âge reculé, ils doivent cette grace à une miséricorde de Dieu particuliére, qui fait concourir bien des événemens dans l’ordre de la nature, & encore plus dans l’ordre de la grace, pour les détacher du monde & du péché.

L’arbre, quand il est vieux, n’est plus pliable ; ses racines étenduës de tous côtez dans la terre & fortifiées, le tiennent immobile, & ce n’est pas sans un grand travail qu’il peut être déraciné ou abatu. Quand il est jeune, docile à la main qui le manie, il se tourne & il prend les plis qu’elle lui donne : il croît par les retranchemens qu’elle en fait si elle est habile, & il profite de ses soins. Mieux il est élevé, plus il devient fort & robuste, & il porte des fruits plus abondans & de meilleur goût.

Simbole naturel de l’éducation de la jeunesse. L’âge tendre qui la rend susceptible des premières impressions qu’on lui donne, la rend flexible : elle prend des sentimens de pieté, quand elle trouve des Maîtres attentifs à les lui inspirer : elle apprend la science du salut en aprenant la Doctrine Chrétienne : elle montre un fond de Religion de crainte de Dieu, & d’horreur du péché dans les années avancées, lorsque dans les premières elle en a été imprimée ; & si dans la suite elle se dérange, la conscience lui reproche ses déréglemens, & l’oblige tôt ou tard de revenir de ses égaremens. Ces réflexions sont naturelles : le sçavant & pieux Gerson les a faites il y a long-tems[1].

C’est donc dans la bonne éducation de la jeunesse, qu’il faut chercher la formation de l’honnête homme & du bon Chrétien. Cette vérité est si évidente, qu’elle n’a pas besoin de preuve. D’ailleurs tant de mains sçavantes l’ont mise dans son jour, qu’il seroit inutile d’en parler. En suposant sa notorieté publique, j’en conclus l’importance des établissemens des Ecoles Chrétiennes & gratuites ; & par suite, de l’institution des Maîtres & des Maîtresses propres à les tenir. S’il faut ouvrir en faveur du public des Ecoles gratuites, il faut élever des maisons où les Maîtres & les Maîtresses propres à enseigner par charité les enfans pauvres de l’un & de l’autre sexe, puissent être formez. Or pour donner prix à ces sortes de Séminaires, il faut peser celui de la Doctrine Chrétienne ; car c’est pour l’enseigner, que sont, pour ainsi dire, créés ceux & celles qu’on y forme.

Il est vrai que les Maîtres & les Maîtresses des Ecoles charitables font profession d’aprendre à lire, à écrire, & l’arithmetique : mais ces fonctions sont subordonnées à l’autre. Celle-là est la principale, celles-ci ne sont qu’accessoires. Il est bien certain, que ni l’Eglise, ni l’Etat, n’ont pas besoin de nouvelles Congrégations destinées à former des Maîtres & des Maîtresses pour aprendre à lire, à écrire, & à chiffrer. Tous les siécles n’ont pas manqué de gens qui en font le métier, & qui le rendent lucratif ; mais la jeunesse ne trouve pas chez ces Maîtres qui vendent leurs services, le zéle qui est nécessaire pour enseigner la science du salut, & le rare talent de donner une éducation Chrétienne.

Il est encore bien certain, que les enfans du petit peuple, n’ont pas le moyen d’acheter les instructions qui leur sont nécessaires. Ainsi l’Etat, aussi-bien que l’Eglise avoit besoin de gens qui voulussent rendre ces services gratuits aux pauvres enfans des deux sexes. Comme c’est là le motif de l’institution des Séminaires des Maîtres & des Maitresses d’Ecoles gratuites ; c’est d’où il faut tirer tout ce qu’on peut dire en leur faveur. Pour le faire avec quelque ordre, je vais 1°. établir l’importance de l’institution de ces sortes de Séminaires, par l’importance d’enseigner & de sçavoir la Doctrine Chrétienne. 2°. Rendre sensibles les obligations que le public a à ceux & à celles qui se consacrent par vocation à tenir les Ecoles charitables,

  1. Quis nesciat primitias florentis ætatis sicut & in plantis & vincis & rebus cæteris acceptiores exsistere, ac proinde obsequia parvulorum gratiora esse, quam senum debilitatorum qui non vitia deserunt, sed a vitiis derelinquuntur… Plane non video quid se Satanisante juvene sperandum sit in senectute, quando perversis inclinationibus accesserit perversior consuetudo… Parvuli… apti sunt ad accipienda bonorum studiorum exordia. Utres sunt recentes pro liquoribus optimis. Novelle præterea plantationes, quæ sequuntur levis, quo ducentis manus deflexerit esse quoque poterunt aliorum doctores instructores, commodissimi maxime domesticorum.
    Gerson tract. de parvulis trahendis ad Christum. Consid. I. Paulo post initium.