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Général d’Armée, d’un Juge, d’un Avocat, la différence qu’il y a entre la nature & la Grace, entre le Ciel & la Terre, entre le tems & l’Eternité.

Domine quis credidit auditui nostro & brachium Domini cui revelatum est ? Seigneur, serons-nous crûs, quand nous le dirons ? Le monde qui ne juge des choses que par l’éclat qui les environne, voudra-t’il convenir que la fonction aussi-bien que la vocation d’un pauvre Frere, souvent fort méprisé & à peine regardé des Grands, est si fort au-dessus de celle de l’Avocat qui brille dans le Barreau par l’éloquence de ses plaidoïers, du Juge à qui la réputation d’intégrité fait le plus grand honneur dans le monde, du Médecin que l’habileté & l’expérience rendent précieux au genre humain, du Philosophe à qui la science enfle tant le cœur, de l’Astronome & du Mathematcicien, à qui les inventions curieuses & savantes font un si grand nom auprès des hommes ; de l’homme de Guerre, que la valeur & l’habilité dans l’art Militaire comblent de gloire & élévent au plus haut rang.

Disons quelque chose de plus. En comparant l’usage que fait le Catéchiste, de la Doctrine Chrétienne, à celui qu’en fait un Théologien spéculatif, ou un Prédicateur trop fleuri ; il faut convenir que celui-là est le plus digne de Dieu, & le plus conforme à la fin, qui est d’éclairer d’instruire & de nourrir l’ame. Le premier ajoûte à la Doctrine de Jesus-Christ, bien du sien en la chargeant de subtilitez & de raisonnemens humains, qui souvent loin de l’éclaircir & de lui donner du lustre, l’obscurcissent & l’embroüillent. Le second, trop souvent la farde, ou comme parle saint Paul, l’altére & l’énerve, en la voulant trop parer. Trop souvent l’usage de la Théologie sert plus à la gloire du Théologien, qu’à celle de Jesus-Christ. Trop souvent il se réduit à des abstractions séches, à des raisonnemens subtils, à des disputes vaines, à des questions de nom, ou de peu de conséquence. Au lieu que le Catéchisme, sans donner de réputation à celui qui le fait, tend immédiatement à faire connoitre, aimer & servir Dieu, & n’a point d’autre effet.

Fruits qui suivent la fonction d’enseigner la Doctrine Chrétienne d’une maniere simple & familiere.
2. Excellence du Catéchisme.

Le Catéchiste donne la Doctrine de Jesus-Christ, telle qu’elle est. En l’exposant dans la nudité & dans sa simplicité, il la met dans son vrai jour, il la laisse dans sa grace & dans son onction. Il ne lui ôte rien de la divine beauté ; au lieu que le Prédicateur souvent en la parant avec excès, la défigure, & en ternit la pureté. Car après tout, la Doctrine Chrétienne n’a pas besoin d’ornemens étrangers. Elle n’est jamais mieux reçûë du cœur, que quand on la présente à l’esprit dans la primitive simplicité. La grace lui donne des agrémens, que tout l’art imaginable ne lui peut prêter.

J’ose dire, qu’elle est comme une belle femme qui n’a besoin pour plaire, que de se montrer, & qui laisse aux laides le fard & l’étude des parures. Ce qui sert à celles-ci à couvrir ou à réparer les défauts de la nature, ombrage & masque les agrémens de celle-là.

D’ailleurs, à combien de personnes les plus éloquens Sermons font-ils inutiles ? On ne peut desavouer que les trois quarts des Auditoires les plus célèbres, composée des personnes du sexe, & d’autres de tous états peu instruits de leur Religion, ont plus besoin de bons Catéchismes & d’instructions Chrétiennes simples & familieres, que de discours d’apareil ; & que plus ceux-ci sont étudiez & recherchez, plus ils deviennent inutiles au plus grand nombre qui les écoute.

Au Catéchiste, il coute peu de tems, peu de peines, peu d’étude, peu de préparation pour enseigner avec fruit la Doctrine Chrétienne. De plus, rare-