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Les gens d’Église

— Tisserand, c’est vrai. Je suis soucieux, et j’ai bien raison de l’être.

— Vous, Monsieur le curé ? Allons donc. Vous êtes l’homme le plus heureux de la terre. Pour un tout petit travail, vous êtes largement payé. Bons écus, bon vin, bons chapons. Vous venez ici, vous promener presque tous les soirs. Parlez-moi de ça. Sans me fouler la rate, je me sens capable d’en faire autant que vous. Mais, à vrai dire, je me sentirais un peu gêné pour prêcher.

— Pour prêcher, tisserand ? Rien n’est pourtant plus facile.

— Vous croyez, Monsieur le curé ?

— Tisserand, j’en suis sûr. Pour prêcher, il n’y a qu’à monter en chaire, à faire le signe de la croix, et à parler de n’importe quoi, pendant une heure d’horloge.

— Vous croyez. Monsieur le curé ?

— Tisserand, j’en suis sûr. Tiens, veux-tu en faire l’épreuve ! Demain, c’est le dimanche des Rameaux, en attendant celui de Pâques. Tu sais que, ce jour-là, j’ai coutume de prêcher, à vêpres, un grand sermon. Veux-tu parler à ma place ? Je te prête une soutane, un surplis et un bonnet carré. Ainsi vêtu, nul ne te reconnaîtra. Allons, tisserand, décide-toi. Ce n’est ni la mer à boire, ni la lune à manger. Si l’épreuve réussit, compte