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Fées, ogres, nains

au grenier. Partout il vit d’autres Mains, qui travaillaient à la cuisine, qui prenaient soin des chambres, et autres choses pareilles. Dans la cour, il y avait une grande cage de fer, où était enfermé un aigle, attaché par la patte avec une chaîne. Des Mains lui apportaient deux fois par jour de la viande crue. Trois juments étaient à l’écurie, l’une blanche comme la neige, l’autre noire comme un corbeau, la dernière rouge comme le sang. Ces trois bêtes étaient aussi servies par des Mains, qui les étrillaient, leur faisaient la litière, et ne les laissaient manquer ni de foin, ni de paille, ni d’avoine. Mais il n’y avait ni homme ni femme.

L’Homme de toutes couleurs vécut ainsi bien longtemps dans le grand château, toujours seul, et bien las d’une vie pareille. Pour passer son temps, il descendait matin et soir à l’écurie ; et quand il avait soigné les trois juments, il allait porter de la chair crue à l’aigle enfermé dans la cage de fer. Ces quatres bêtes prirent tellement leur maître en amitié, qu’elles ne voulurent plus être servies par les Mains.

Un jour, l’aigle se mit à parler :

— « Homme de toutes couleurs, tu t’ennuies, toujours seul dans ce grand château. Penses-tu que je me divertisse, moi, toujours enchaîné par la patte, et enfermé dans cette cage de fer ? Délivre-moi. Je