Page:Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 2, 1886.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
Fées, ogres, nains

puisque je meurs de ta main, mange ma chair et bois mon sang ; car tu as besoin de courage, et tu n’as pas fini de souffrir. »

L’Homme de toutes couleurs attendit que le loup fût mort. Alors, il mangea sa chair et but son sang, et se sentit aussitôt pris d’une grande force. Une heure après, il était en-haut de la montagne, qui plongeait droit, à plus de cent toises de profondeur, sur une rivière large d’une demi-lieue. L’eau de cette rivière faisait un bruit terrible, et s’échappait aussi vite que le vent. De l’autre côté de l’eau, on voyait un pays si plaisant, si plaisant, que l’on aurait dit le paradis du Bon Dieu.

Sur le haut de la montagne, l’Homme de toutes couleurs trouva force gens, qui avaient dépensé tout leur courage pour arriver jusque-là. Il y en avait qui pleuraient, en s’agenouillant, les mains jointes, et qui criaient :

— « Mon Dieu ! mon Dieu ! Faites que nous passions. »

Alors, l’Homme de toutes couleurs pensa :

— « Le Bon Dieu n’assiste pas ceux qui lui laissent tout à faire. Ces gens-là ne passeront pas. »

Il y en avait qui tenaient toujours conseil, sans jamais se décider, et qui disaient :

— « Le tout est de bien partir. Ne nous pressons pas. Nous avons le temps. »