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SUPERSTITIONS

rent donc forcés de faire un grand détour en Languedoc, pour arriver, par Limoux et Aleth, dans un pays sauvage et couvert de bois, qu’on appelle le Capcir[1]. Ce pays touche à la Montagne espagnole, et on y parle le langage des Catalans. Mais il appartient à la France. Les gens du Capcir ne sont pas méchants, sauf une certaine race d’hommes, qui tuent les chrétiens, quand ils le peuvent, et qui les mangent crus, ou cuits au four.

Mon oncle avait entendu dire cela ; mais il n’en était pas sûr. Aussi bien que personne, il comprenait et parlait le langage des Catalans ; mais il faisait semblant de n’en pas savoir un mot. Quant à l’abbé de Ferrabouc, il n’y entendait rien du tout.

Donc, mon oncle et l’abbé de Ferrabouc se trouvaient, un soir, sur les sept heures, dans le Pays de Capcir, à deux lieues de la frontière d’Espagne. Ils mouraient de faim, et n’avaient plus la force de mettre un pied devant l’autre.

— « Monsieur l’abbé, dit mon oncle, voici une cabane de charbonniers. Entrons-y, pour y souper, et pour y dormir. Demain, nous repartirons

  1. Petit pays comprenant la partie tout-à-fait supérieure de la vallée de l’Aude. Le Capcir fut cédé à la France, par le traité des Pyrénées, en même temps que le Vallespir, le Conflent et la Cerdagne française.