Pourtant, sa mère était toujours demeurée maîtresse au château. J’étais sa première servante. Lin, mon mari partit un jour pour la guerre ; mais il n’en est pas revenu. Pendant sept ans, je l’attendis. Alors, sa mère me fit scier les deux bras, et me chassa du château. Avec mes deux pauvres filles, nous partîmes à la grâce de Dieu. Mais Dieu est bon. Il m’a rendu mes deux bras. Lin, nous te filons ici toutes trois. Mais, ce soir, mes filles se sont toutes deux blessées au doigt avec leurs fuseaux. Voilà pourquoi je les ai envoyées dormir. Voilà pourquoi je file seule, et filerai nuit et jour, pour gagner notre pauvre vie. Lin, tu le vois, mon sort est plus triste que le tien. »
D’un grand coup de pied, le marquis enfonça la porte.
— « Ma femme ! Ma pauvre femme ! Mes filles ! Mes pauvres filles ! »
Tous quatre passèrent le reste de la nuit à s’embrasser.
Sept semaines plus tard, ils étaient de retour dans leur château.
— « Mère, dit le marquis, vous m’avez menti. Par vous, ma brave femme et mes deux pauvres filles ont souffert quatorze ans mort et passion. Retirez-vous dans un couvent. Le Bon Dieu vous pardonnera votre péché. »