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LES BELLES PERSÉCUTÉES


Les soldats et le grand juge rouge repartis, Barbe-Bleue reparut, plus méchant, plus terrible que jamais. C’était au point que nul n’osait se hasarder à sept lieues autour de son château.

Un matin, Barbe-Bleue courait la campagne, monté sur son grand cheval noir, suivi de trois dogues, grands et forts comme des taureaux. Vint à passer, toute seulette, une jeune et belle demoiselle.

Sans dire un mot, le gueux la saisit par la ceinture, et l’emporta dans son château.

— « Écoute. J’entends que tu sois ma femme. Désormais, tu ne sortiras plus d’ici. »

Par force, la demoiselle épousa Barbe-Bleue, et demeura prisonnière, souffrant mort et passion, pleurant toutes les larmes de ses yeux. Chaque matin, dès la pointe de l’aube, Barbe-Bleue montait à cheval, et partait, suivi de ses trois dogues, grands et forts comme des taureaux. Il ne rentrait qu’à l’heure du souper. Tout le long du jour, sa femme ne bougeait pas de la fenêtre. Elle regardait là-bas, là-bas, dans la campagne, et songeait bien tristement.

Parfois, venait s’asseoir auprès de sa maîtresse une bergerette, jolie comme un cœur, et sage comme une sainte.

— « Madame, lui disait-elle, je connais vos pensées. Vous vous méfiez des valets et des ser-