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LES BELLES PERSÉCUTÉES


L’aigle repartit à toute volée. Alors, le roi se mit à songer.

— « Et maintenant, il me faut de la chair de chrétien, pour amorcer la bonne ligne de saint Pierre. »

En ce moment, un petit berger passait avec ses brebis. Le roi le regarda de travers ; mais il se dit :

— « Non. Je ne tuerai pas cet enfant. Allons creuser dans ce cimetière. »

Le roi s’arrêta devant une fosse fraîchement comblée ; mais il se dit :

— « Non. Laissons les morts en paix. »

Aussitôt, il sauta dans la barque de saint Pierre, et partit seul sur la mer, cent fois plus vite qu’une hirondelle. Au lever du soleil, il était à cent toises de l’île, où sa femme dormait toujours sur la haute montagne, à l’ombre du grand chêne.

Alors, le Roi des Poissons secoua terriblement les eaux, et lâcha la tempête.

— « Jouis de ton reste, Roi des Poissons. Tu vas avoir de mes nouvelles. »

Le roi tira son épée, coupa dans sa cuisse un morceau de chair, amorça le gros hameçon d’or béni de la main de Jésus-Christ, et jeta dans la mer la bonne ligne de saint Pierre. Aussitôt, il sentit une secousse à le renverser ; mais il tint bon, et tira ferme. Enfin le Roi des Poissons monta sur la mer, pareil à un grand serpent.