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ET VENGEANCES


rivière du Gers, dans un pré bordé de frênes, de peupliers et de saules. L’Apprenti était sorti de la meule de paille. Il suivait son maître doucement, doucement, en se cachant derrière les arbres.

Le Forgeron du Pont-de-Pîle se mit nu comme un ver, et cacha ses habits dans un saule creux. Puis, il s’arracha la peau de la tête aux pieds, et parut fait comme une grande loutre.

— « Cachons ma peau d’homme, dit-il. Si je ne la retrouvais pas, pour la remettre avant le lever du soleil, je serais loutre pour toujours. »

Il cacha sa peau d’homme dans le saule creux, et sauta dans le Gers, juste au moment où les étoiles marquaient minuit. L’Apprenti le voyait nager, plonger au fond de la rivière, et revenir avec une carpe ou une anguille, qu’il mangeait au clair de la lune. Cela dura jusqu’à la pointe de l’aube. Alors, le Forgeron du Pont-de-Pîle sortit de l’eau, remit sa peau d’homme et ses habits, et rentra chez lui, sans se méfier qu’il fût guetté.

L’Apprenti revint se cacher dans la meule de paille. Pendant deux autres nuits, il vit et entendit ce qu’il avait vu et entendu la première.

— « Bien, dit-il. Mon maître est le père de la Reine des Vipères. Chaque nuit, elle vient le voir et lui parler. La Reine des Vipères est amoureuse de moi, et elle veut m’épouser quand j’aurai l’âge. Mon maître est condamné à se changer en