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IV
PRÉFACE


déroulent, dans leurs formules invariables et sacramentelles, souvent coupés de silences, où les filandières, avec de grands gestes de Parques, renouent leurs fils brisés et leurs souvenirs lointains.

Cet automne, les contes reviendront, le soir, après souper, sur l’aire des métairies, où nos paysans dépouillent le maïs (despeloucado, despelounado), tandis que les chiens aboient au loin dans la campagne, sous la lune pâle d’octobre. Jusqu’à l’heure du coucher, les filandières parleront aussi, cet hiver, sous la grande cheminée, où la torche de résine grésille, fumeuse et pâle, tandis qu’au dehors la bise se lamente dans les arbres effeuillés.

Tels sont les temps où les conteurs se donnent surtout carrière, ainsi qu’il me fut donné de le constater dès l’enfance.

Ces semences ne tombaient pas en mauvaise terre. Issu de vieille race gasconne, je sentais déjà s’éveiller en moi l’instinct, l’amour profond, de nos vieilles traditions provinciales.

Au sortir du collège, j’en savais déjà, là-dessus, plus long que personne, par les paysans de la Basse-Gascogne, de la vallée de la Garonne, du Bazadais, des Landes, par les bergers et les terrassiers nomades des Pyrénées. Il va sans dire qu’alors je ne notais absolument rien, et que je me trouvais royalement payé de mes recherches, ardentes mais confuses, par les joies mêmes que j’en tirais.