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Sa figure était terriblement rouge quand il se leva en fermant le registre ; mais il était résolu à reprendre la question dans une autre séance. Descendu dans la cour, il attela son cheval à sa carriole ; Lars s’approcha et y prit place à côté de lui. Ils discutèrent différentes choses tout en chemin faisant, mais sans toucher à celle qui leur tenait le plus au cœur.

Le lendemain, la femme de Knud vint trouver celle de Lars pour s’enquérir si quelque chose de fâcheux s’était passé entre les deux hommes : Knud s’était montré si étrange en rentrant à la maison ! Elle la rencontra à quelques pas des bâtiments du gard, s’acheminant pour aller lui faire la même question. La femme de Lars était une personne tranquille, timide, que le silence même de son mari intimidait ; celui-ci ne lui parlait jamais, à moins qu’elle n’eût fait quelque chose de travers, ou qu’il craignît que cela n’arrivât. La femme de Knud Aakre, en revanche, causait davantage avec son mari, particulièrement des affaires de la paroisse, car c’était celle-ci qui, dans ces derniers temps, avait détourné d’elle et de ses enfants toutes ses préoccupations et ses pensées. Elle était jalouse de la paroisse, comme si la paroisse eût été une femme. La nuit, elle pleurait en y pensant, et, tout le long du jour, c’étaient des querelles avec son mari ! Mais ce jour-là, quand il revint à la maison l’air si profondément malheureux, elle n’ouvrit pas la bouche sur ce sujet, précisément à cause de ce qui s’était passé entre eux à cette occasion ; elle se sentait plus à plaindre encore que lui, et, à tout prix, elle voulait savoir l’état réel des choses. La femme de Lars n’ayant pu lui donner aucune information, elle alla s’enquérir dans le village, où elle fut bientôt mise au fait, et, naturellement, se rangea tout de suite du côté de son mari, jugeant la conduite de Lars incompréhensible, pour ne pas dire perverse. Pourtant, quand elle en parla à Knud, elle s’aperçut qu’il n’y avait pas eu rupture entre Lars et lui, et qu’au contraire il prenait chaudement son parti.

Le conseil se réunit. Lars Högstad arriva le matin chez Aakre ; Knud sortit de la maison et prit place à côté de lui dans sa carriole. Ils échangèrent les saluts ordinaires, mais l’entretien languit un peu et ils ne dirent mot de la proposition du bailli. Tous les membres du conseil étaient présents ; les uns étaient venus en spectateurs, ce qui déplut à Knud