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vançant précipitamment vers lui. Ô mon Dieu ! mon Dieu ! En avons-nous assez de ce chemin de fer, maintenant !

— Le chemin de fer ? demande-t-il.

Mais, avant que ces mots se fussent échappés de ses lèvres, il avait tout compris ; un frisson le saisit : à coup sûr, des étincelles de la locomotive étaient tombées sur les copeaux et les débris des travaux de la nouvelle construction, et y avaient mis le feu. Lars était là, pensif, silencieux ; sa femme, n’osant parler, se mit à chercher quelque chose qui pût garantir du froid son pauvre corps frissonnant. Il recevait ses soins sans rien dire ; mais quand elle s’agenouilla devant lui pour lui couvrir les pieds, il étendit la main sur sa tête ; elle se pencha sur la poitrine de son mari et se mit à sangloter. Il y avait là bien des yeux qui la regardaient curieusement. Mais Lars la comprit et dit :

— C’est toi le dernier ami qui me reste !

Elle se sentit si heureuse qu’elle reprit courage et, se levant et regardant humblement le visage de son mari :

— C’est qu’il n’y a personne d’autre ici qui te comprenne dit-elle.

Alors ce cœur dur se fondit, des larmes lui vinrent aux yeux tandis qu’il tenait étroitement serrée la main de sa femme.

Maintenant il lui parla, à elle, comme s’il se fût parlé à lui-même. Et elle, à son tour, lui ouvrit aussi son âme. Ils s’entretinrent de tout ce qui était arrivé ou, plutôt, il l’écoutait, tandis qu’elle parlait.

Knud Aakre avait été le premier à voir le feu ; il appela du monde, envoya des messagers de divers côtés et se hâta lui-même, avec hommes et chevaux, vers les bâtiments en flammes ; tous, dans la maison, étaient restés endormis. Il avait organisé l’extinction de l’incendie, le sauvetage des meubles et des effets. C’est lui qui avait tiré Lars de la chambre qui commençait à brûler, et l’avait transporté derrière l’aile gauche de la maison, du côté d’où venait le vent.

Et, tandis qu’ils parlaient de ces choses, un char arrivait sur la route, conduit très vite par un homme qui en descendit. C’était Knud. Il avait couru chez lui et en ramenait cette même carriole qui les avait conduits tant de fois ensemble aux séances du conseil. Il demanda à Lars d’y monter pour aller ensem-