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s’efforçait de maîtriser cette impression et de se persuader à lui-même que les choses n’auraient pas pu se passer autrement. Quelques années plus tard, dans une grande fête de mariage où ils assistaient tous deux et étaient tous deux de très bonne humeur, Knud monta sur une chaise et proposa un toast au président du conseil paroissial et au premier représentant que le comté avait envoyé au storthing. Il parla jusqu’à devenir profondément ému et, comme d’habitude, s’exprima d’une manière extrêmement belle. Chacun pensa qu’il s’était fait grand honneur ; Lars vint à lui, et son regard se troubla quand il dit que c’était à lui, Knud, qu’il était redevable de presque tout.

Et, à la première élection du conseil, Knud fut, de nouveau, nommé président.

Mais, si Lars Högstad avait prévu ce qui allait s’ensuivre, il n’eût pas, certainement, usé de son influence pour parvenir à ce résultat. Chaque chose arrive en son temps, dit un vieux proverbe et, juste au moment où Knud Aakre entrait en fonction, quelques-uns des meilleurs membres de la paroisse se trouvèrent menacés d’une ruine complète, à la suite d’une fureur de spéculation qui faisait rage depuis longtemps, mais ne commença qu’alors à faire des victimes. On disait que Lars Högstad était la cause de ce désastre, parce que c’était lui qui avait appris à la paroisse à spéculer. Cette fièvre d’argent avait pris naissance dans le conseil paroissial, car le conseil lui-même était le plus grand spéculateur de tous. Chacun, jusqu’au jeune travailleur de vingt ans, entendait bien, dans ses transactions, d’un écu en tirer dix. Au début, le conseil se montra d’une extrême parcimonie, mais qui fut bientôt suivie d’une folle prodigalité. Tous les efforts étaient tendus vers le lucre ; en même temps se développa un esprit de soupçon, des exigences sans fin, un goût de chicane qui aboutit à des procès et à des haines. Ici encore, disait-on, l’exemple donné par le conseil fut très fâcheux, car l’une des premières choses que fit Lars en sa qualité de président fut d’ordonner des poursuites contre le vénérable vieux pasteur, pour avoir pris des titres douteux. Le conseil l’emporta devant la justice, mais immédiatement après le pasteur résigna son poste. Les uns avaient approuvé, d’autres blâmé ce procès qui fut, en tout cas, un précédent fâcheux. Bientôt les conséquences de l’admi-