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chapitre quatrième

et de six Indiens ; ils suivirent le cours des rivières le Richelieu et le Champlain, que les sauvages appelaient la grande porte du pays. La petite troupe s’arrêta, le jour de la Fête-Dieu, à l’extrémité nord du lac George, ce qui lui fit donner, sous l’influence de l’esprit catholique du missionnaire jésuite, le nom de « lac du Saint-Sacrement », qu’il a conservé pendant toute la durée du siècle. Le 18 octobre 1646, le tomahawk[1] des sauvages mit fin à la vie du Père Jogues, qui, après avoir souffert maintes tortures et de barbares insultes, mourut au milieu d’eux, poursuivant son œuvre chrétienne pour leur salut.

Le droit de donner son nom à un nouveau lac ou à une nouvelle rivière qu’on vient de découvrir est incontestable. Un missionnaire de la croix avait pénétré dans une solitude inexplorée, et il avait trouvé le plus beau joyau de la partie basse des Adirondacks, inconnue jusque-là à l’homme civilisé. Sous l’impression de cet ouvrage sublime du Créateur, le prêtre martyr lui donna le nom de lac du Saint-Sacrement.

Cent ans plus tard, des troupes de soldats arrivérent, vomissant d’épouvantables blasphèmes et maudissant leurs ennemis. Quel respect pouvaient-ils avoir pour les droits des explorateurs ou des missionnaires ? Aussi le général Johnson, un Irlandais ambitieux, rejeta-t-il le nom chrétien que portait le lac. Il le remplaça par le nom anglais de George, qu’il ne faut pas confondre avec saint Georges, le patron de l’Angleterre,

  1. Tomahawk, casse-tête des sauvages.