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chapitre quatorzième.

canot sur un banc sablonneux qui n’avait que quelques pieds de long. Un petit tertre de cinq ou six pieds au-dessus de l’eau me fournit de larges feuilles de palmier, d’une espèce naine, dont je fis mon lit. Mon panier à provisions devait me servir d’oreiller ; la vue d’un peu de feu de bois sec me réconforta quelques instants, mais sa flamme brillante attira bientôt des nuées d’insectes ailés. Après avoir préparé du chocolat et mangé quelques sandwiches de bœuf et des biscuits secs, je continuai mon installation pour la nuit, et, me sentant quelque peu préoccupé à l’endroit des grands alligators, j’étendis sur moi un morceau de toile vernie, roide et forte, et je mis mon petit revolver, ma seule arme, sous ma couverture.

Impressionné par la nouveauté de mon étrange position, je parvins difficilement à m’endormir. Ce fut une nuit de rêves. Des bruits indistincts, mais nombreux, troublèrent mon cerveau jusqu’au moment où je fus complètement éveillé et tiré de mon insomnie par d’horribles visions et par des cris plaintifs. Des cris d’animaux et des hurlements sauvages se faisaient entendre en chœurs, au milieu desquels je ne pouvais rien distinguer, si ce n’est les voix confuses des blaireaux, qui se battaient dans les bois ; mais ceux-là étaient de vieilles connaissances, que j’avais vues souvent rassemblées le soir autour de mon campement, pour ramasser les restes de mon souper.

Pendant que je prêtais l’oreille, une clameur retentit tout à coup autour de moi ; elle ressemblait tellement à un cri de guerre, que je tressaillis de crainte sur mon lit