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chapitre onzième.

mais il nous est très-difficile d’empêcher les noirs de tuer nos volailles et nos animaux. Les politiciens, les carpet-baggers ont promis à chacun des amis qu’ils peuvent avoir quarante acres de terre et une mule pour leur vote. Ils disaient que le gouvernement du Nord allait les leur donner ; mais les pauvres diables n’ont jamais rien reçu, pas même un remercîment. Ils ont été bourrés de toutes sortes d’idées par les carpet-baggers, et je ne peux pas les blâmer beaucoup de vouloir nous faire la loi. C’est la nature humaine, et c’est tout dire. Mais nous avons eu des temps durs à passer, nous autres pauvres gens des bois. On a pris nos enfants pour cette maudite guerre, pour les faire battre au lieu des nègres et à la place des hommes riches, propriétaires d’esclaves. Nous n’avons jamais compris pourquoi tout ce tapage ; mais lorsque Jeff Davis fit une loi pour exempter du service tout maître de quinze nègres, alors notre sang s’est échauffé, et nous avons dit à nos voisins : « Tout cela vise à faire en sorte que ce sera le pauvre qui se battra pour la querelle du riche. » Enfin ils ont même mené mon fils à Chambers-Burg (Pennsylvanie), et ils l’ont fait tuer, pour qui ? pour les riches propriétaires d’esclaves. Nos garçons se cachaient dans les marais, mais ils étaient bientôt pourchassés et envoyés de force à l’armée. Les nègres ont été la cause de notre ruine. Si un blanc a un procès devant un juge nègre, il doit lui donner tout ce qu’il peut, et encore il n’a qu’à se bien tenir. Maintenant, vous, gens du Nord, aimeriez-vous à avoir un juge nègre qui ne sut ni lire, ni écrire, ni compter ses dix doigts ? »