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EN CANOT DE PAPIER.

travers l’obscurité, m’offraient l’hospitalité de l’excellent hôtel de MM. Brother, à la station de Flemington. Après que M. Carroll eut mis le canot de papier à l’abri dans son magasin, nous nous réunîmes tous autour d’une table à thé, avec autant de cordialité que si nous eussions été de vieux amis.

Le lendemain, nous portâmes la Maria-Theresa sur nos épaules jusqu’au petit lac, dont le long et sinueux déversoir envoie ses eaux et ses noirs cyprès à la mer. Un des fils de M. Short, propriétaire de quelque soixante mille acres des marécages du Waccamaw, me prit sur son yacht en compagnie de quelques-uns de ses amis, et me fit ainsi traverser le lac jusqu’à mon point de départ. Il était alors midi ; notre petite bande fît un goûter sous les grands arbres qui croissent sur les rives basses du Waccamaw. Un peu plus tard vint le moment des adieux ; puis le canot se lança dans le courant tourbillonnant qui se précipitait hors du lac, par une étroite ouverture, dans un grand et sombre marais. Avant de nous séparer, M. Carroll m’avait remis une lettre pour M. Hall, qui dirigeait une distillerie de térébenthine située sur ma route. « Il y a vingt milles à faire pour arriver chez mon ami, me dit-il ; mais en droite ligne, il n’y en a réellement que quatre. » Tel est le caractère du Waccamaw, la plus tortueuse des rivières.

Je ne m’étais jamais trouvé dans un courant rapide et inégal ; aussi fus-je obligé de laisser mes rames et de prendre la pagaie pour avoir la faculté de regarder devant moi, car les tournants de la rivière étaient si brusques que j’aurais pu me croire