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chapitre dixième.

assis tous deux sur des chaises au milieu de la compagnie avec les bras entrelacés, sans dire une parole à personne. Le poids de tout ce monde commençait à faire ployer le plancher, et comme deux poutres faiblissaient visiblement, je pensai à m’esquiver par la fenêtre, croyant que nous allions être précipités dans la cave. Mais le bon naturel de ces braves gens ne prit aucun souci des craquements du bois, ils se contentaient de dire : « Ah ! nous serons bientôt par terre ! » Lorsque je demandais ce qu’il adviendrait si nous étions précipités dans la cave, un jeune campagnard me répondit de l’air le plus gai : « Un cellier, capitaine, mais il n’en existe dans aucune des maisons de Hunting-Quarters à trois milles à la ronde. Dans tout le pays environnant, on ne se sert pas de cellier. »

J’avais à côté de moi un jeune pêcheur, qui, au retour d’un long voyage, débordait de tendresse pour toutes les jeunes filles présentes : « Oh ! mes belles, s’écriait-il, vous ne vous doutez pas combien je suis heureux de vous voir une fois de plus ! » Puis, prenant dans ses bras une jeune fille aux yeux bleus, laquelle essayait en vain de lui échapper, il ajoutait : « O marin qui t’es exposé à tant de fatigues, ton repos est ici ; comment pourrais-tu t’éloigner encore ! » Cette déclaration sentimentale fut interrompue par une dame âgée, qui allongea son bras par-dessus mon épaule ; puis, adressant un sermon d’un ton de reproche au galant marin, elle lui dit : « Sam, vous êtes fou ! Vous ne vous appartenez plus ce soir, et cela en présence du capitaine du bateau de papier. Si j’étais à marier, j’éviterais votre compa-