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chapitre dixième.

En levant la tête, un spectacle étrange frappa mes regards. Par un effet dont je ne pouvais me rendre compte, chaque sommet des dunes était surmonté de quelque objet de couleur sombre, qui se balançait et remuait du haut en bas d’une façon bizarre. En suivant avec attention le développement de ce phénomène, ces objets noirs semblaient prendre la forme d’une tête, d’un corps et de quatre jambes de cheval ; un peu plus tard, la crête de chaque colline achevait de se couronner par l’entrée en scène de joyeux écureuils. Puis quelques moutons sortirent des gorges des falaises et vinrent brouter l’herbe autour de la hutte, comme s’ils avaient cru à leur isolement si loin du genre humain. Avec les moutons, les écureuils, les poneys, les oiseaux sauvages du Sound, et la mer mugissante pour me tenir compagnie, la nuit se passa.

La brillante lumière de la lune me réveilla à cinq heures du main, et j’appareillai de nouveau dans des eaux peu profondes, à marée basse, éprouvant d’abord de grandes difficultés à tirer mon canot sur les basfonds, jusqu’à ce que j’eusse trouvé plus de profondeur ; ce ne fut plus alors qu’un exercice agréable. À midi, j’arrivai à la terre Ocracoke, non loin du phare, lieu où tinrent en grand nombre les gens du pays pour voir le canot de papier, dont la prochaine arrivée avait été annoncée par des pêcheurs.

Les femmes ici ne dédaignent pas de manier la rame, et souvent elles partagent les travaux de la pêche avec leurs maris. Ces vénérables dames se moquaient de l’idée d’avoir un canot si léger et si petit. L’une d’elles