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chapitre neuvième.

Son histoire, qu’il me raconta, caractérise l’homme.

« Voyez-vous, monsieur, nous étions en route pour Newbern, sur la rivière Neuse, et comme nous donnions en plein dans le Sound avec toutes les voiles dehors, et que nous marchions grand train, papa me dit :

« — Lorenzo, je crois qu’un petit coup de yaupon ne me ferait pas de mal ; aussi je vais descendre et activer le feu sous la marmite.

« — Comme il vous plaira, lui dis-je.

« Alors il descend, et je prends le commandement de la goélette. Un gros grain noir fond bientôt sur le cap Hatteras, venant du Gulf-Stream ; ce nuage ressemblait à une orfraie. Maintenant, me dis-je, je vais t’en faire voir, ma bonne vieille ! Là-dessus, je lançai en plein la goélette dans le grain, et avant que j’eusse eu le temps de lofer, la rafale nous prit par le travers. C’était à en mourir de rire, monsieur, si vous aviez vu papa, émergeant de l’écoutille pendant que l’eau tombait en cascade par le panneau.

« — Eh bien, me dit-il avec colère, qu’est-ce qui se passe là-haut ?

« — Il ne s’agit pas de ce qui se passe là-haut, mais de ce qui arrive en bas ! On dirait, père, que nous avons chaviré.

« — Mais certainement, répondit mon père ; car, le lest ayant donné à la bande, la goélette s’en allait la quille en l’air. Nous tournions dans l’eau, autour d’elle, comme des marsouins, et nous étions enfin parvenus à nous mettre à cheval sur son épine dorsale, lorsque papa me